Une mère, un fils se partagent abruptement le texte, sans transition, désorientant son lecteur.
Vibeke, mère. Elle sent le besoin d’un bon livre, bien gros, du genre qui semble plus fort et plus réel que la vie elle-même. Trois livres par semaine, souvent, quatre, cinq. Elle aurait voulu pouvoir passer son temps à lire. Assise sur le lit sous sa couette, avec du café, plein de cigarettes, en chemise de nuit chaude. Vibeke est conseillère à la municipalité. « C’est important de travailler sur l’identité et l’appartenance pour contrecarrer l’exode, et, dans ce contexte, la culture est un instrument bien adapté.»
Jon, fils, aura neuf ans demain. Il le sent dans son ventre, il le sent remonter aussi dans sa bouche, mais il ne le dit pas. Il sourit. Un garçon de sa classe a eu une boîte d’avions de chasse pour son anniversaire, il y a quinze jours. Jon voudrait un train. Märklin. Dans un premier temps, il a juste besoin de quelques pièces, un simple chemin de fer et de préférence une locomotive. Il s’allonge sur le lit et ferme les yeux. Il se dit que quand il ne pense à rien il doit faire complètement noire dans sa tête ; comme dans une grande pièce où les lumières sont éteintes.
Un talent très particulier, très inhabituel, étonnant par sa dimension, par la création de cette atmosphère tout à fait unique, lourde, froide, oppressante, cette tragédie tapie, latente, cette incursion minutieuse d’une simplicité exemplaire. Un coup de chapeau reconnaissant aux Éditions Les Allusifs pour encore une découverte de cette autre littérature.
Hanne Ørstavik, née en 1969, est l’une des voix les plus importantes de la littérature norvégienne. En 2002, elle a reçu le prix Dobloug pour l’ensemble de son œuvre. Amour est considéré en Norvège comme un classique parmi les romans contemporains. Il est traduit dans une quinzaine de langues.