ISRAEL
Editions Gallimard "Du monde entier", 2001
Le salon du livre 2007 est cette année consacré à la littérature israélienne. L'occasion de découvrir une littérature
contemporaine foisonnante. J'avais déja découvert l'oeuvre drôle et absurde d'Etgar Keret.
Voici donc Zeruya Shalev,une auteur réputée comme étant la chef de file de la nouvelle littérature israélienne. Ce roman fit scandale dès sa parution et pour cause !
Elle met en scène les ravages de la passion amoureuse chez la narratrice qui tombe soudainement amoureuse d'un ami de son père, un vieillard lubrique n'éprouvant aucun sentiment. Du jour au
lendemain, elle quitte tout, études, mari et famille pour vivre une passion clandestine avec Arieh...dont la femme vient de mourir.
Shalev décrit de manière très crue les scènes de sexe ...dans la cabine d'essayage d'un magasin...et dans les toilettes de la chambre d'hôpital où se meurt la femme d'Arieh...et enfin dans la
chambre de la défunte lorsque la Yaara, la narratrice, est retenue prisonnière lors des cérémonies de deuil...
Bien sûr, ce livre interpelle pour sa crudité et son mélange de sexualité et de références bibliques. Shalev fait ainsi référence à la légende de la femme adultère et de la destruction du Temple.
Elle décrit sans complexe l'union d'un corps jeune et d'un corps abîmé. Ce qui choque, c'est surtout cette absence de sentiments entre les deux êtres. Yaara ne semble être soumise qu'à une
dépendance physique alors qu'Arieh est un vieillard qui ne ressent plus aucune émotion, qui est revenu de tout.
On évoquera aussi la quête du passé car tout en étant soumise à sa passion, Yaara découvre
qu'Arieh est l'ancien amant de sa mère. Il y a donc également ne quête des origines en même temps qu'une quête des sens. Tout n'est pas simplement une histoire de sexe !
Je pense également que cette oeuvre interpelle par son style d'écriture très personnel. Le lecteur est littéralement enrôlé dans la conscience de Yaara qui dans un monologue de 300 pages intègre
directement dans son discours les dialogues entre les différents personnages. Nul interligne ne vient faire respirer le texte, très compact. A l'intérieur d'une même phrase, souvent longue, la
narratrice peut passer subitement d'un état à un autre. Il en ressort un rythme très saccadé, très rapide qui entraine le lecteur dans un flux inninterrompu de sensations. Souvent, on ressent une
impression d'étouffement tellement nous sommes pris dans la conscience tourmentée du personnage.
Un seul bémol : sans doute un essoufflement vers la fin et les derniers chapitres un peu vains. Mais il en reste un beau portrait des affres de la passion amoureuse.
Un extrait :
" Alors que me racontes-tu de beau, rien, vraiment, répondis-je, embarassée, qu'ai-je en commun avec cet homme, que puis-je confier à un parfait étranger, par quoi
commencer, comment se sont passées ces dernières semaines, poursuivit-il tandis que je repensais aux interminables journées torturantes, angoissantes que je venais de vivre, tiraillée entre
l'humiliation, le remords et le désir, comme à un long cauchemar vide de sens, une maladie inavouable même après la guérison, dur, dis-je, en singeant la manière dont il avait décrit son voyage
et son air suffisant. Ah, et pourquoi donc, s'enquit-il ingénument, je sentais que ses questions n'étaient pas innocentes, pas plus que la satisfaction avec laquelle il m'avait accueillie, tu
sais très bien pourquoi, je n'en ai pas la moindre idée, parce que j'ai envie de toi. De moi ? s'écria-t-il avec un étonnement feint, vraiment ? Je répétai, oui, vraiment, et c'était dur, j'étais
incapable de trouver un autre terme que celui-ci qui paraissait totalement déplacé dans cette cuisine rutilante, mais pourquoi, parce que je t'aime, répondis-je, confuse de proférer de telles
banalités, et il sourit à nouveau comme un maître qui serait enfin parvenu à obtenir la bonne réponse d'une élève, mais pourquoi ? Qu'est-ce que tu me trouves ? J'avais la pénible impression que
c'était le sujet autour duquel tournait toute la conversation"