Le métro de Paris et ses métaphores.

Publié le 22 août 2011 par Cardigan @onlyapartmentsF

Depuis la première guerre mondiale, on commence à se rendre compte en Occident d’un décroissement créatif dans les possibilités de l’épopée telle que nous la comprenons jusqu’ici. Il n’est plus possible de chercher de grandes aventures humaines, même de manière idéale dans des gestes belliqueux ou des batailles légendaires. D’un côté, les techniques de guerre modernes et de destruction massive ont supposé un changement gigantesque par rapport au passé qui s’était toujours édifié comme un référent esthétique dont on pouvait se prévaloir avec enthousiasme. D’un autre côté, son résultat, la destruction de milliers de millions de personnes et de génération presque entières sur les champs de bataille infestés de trancher ou souvent, il s’écoule des années sans qu’il soit possible d’avancer d’un pas, a créé l’inévitable sensation que le progrès n’est pas forcément cette force d’impulsion lumineuse qui conduira vers une société nouvelle et harmonieuse. Cela pourrait être tout le contraire et amener l’humanité dans la pire des débâcles. Une telle conviction rend de plus en plus difficile la découverte d’héroïsme dans les innombrables cicatrices de ces interminables champs de boue et de mines. Le véritable héros moderne doit être découvert ailleurs et ce lieu passe de plus en plus par l’aventure de la ville urbaine moderne, fournissant une nouvelle mythologie admirable vue d’un monde plein de preuves et de travail pour l’homme et la femme du quotidien.

Il en résulte toutefois une certaine contradiction dans l’absence, dans l’Ulysse de Joyce, écrite durant la Grande guerre et pionnière de la nouvelle épopée du corps, d’éléments peut-être plus constitutifs et significatifs de la topographie de nouvelles aventures urbaines. À Dublin, il n’y a pas, en effet, de métro (métaphore puissante, entre autres, de l’inconscient et du voyage aux enfers) il paraît séduisant d’imaginer de quelle façon l’insertion de l’histoire dans les paysages souterrains aurait modifié la narration.

Il est intéressant de rappeler que si Paris s’est converti en Occident, peut-être autant que New York elle-même, dans l’une des références topographiques inexcusables dans la géographie de l’épopée du XXe siècle, c’est pour l’attention qu’une partie importante des artistes et des écrivains de la modernité ont donné au monde souterrain fabuleux construit par les lignes de métro du transport métropolitain. Les antécédents jouent-ils peut-être à faveur : le monde marginal gothique de la cour des Miracles de Notre-Dame, les galeries souterraines du fantôme de l’opéra, les catacombes, l’œuvre d’Alfred Jarry et les autres père de la pataphysique, et ensuite le surréalisme, qui ont su voir dans les trains qui se croisent sous nos pieds des monstres extraordinaires … il est vrai qu’au travers du cinéma (Bresson, Godard, Luc Besson, Leo Carrax…), de la littérature (certains décomptes les plus mémorables de Cortázar par exemple, se passent dans le métro) ou de l’art, le métro de Paris s‘est investi des qualités que l’on prête au bois enchanté des romans de chevalerie médiévaux.

Paul Oilzum