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Le triangle d’or de Jacques Delors

Publié le 22 août 2011 par Hmoreigne

"Ouvrons les yeux: l'euro et l'Europe sont au bord du gouffre" déclarait la semaine dernière Jacques Delors  dans un entretien publié conjointement par le journal belge Le Soir et le quotidien suisse Le Temps. Au-delà des reproches de timidité adressés à Nicolas Sarkozy, l'ancien président de la Commission européenne (1985-1994) appelle à revenir à ce qu'il considère comme les bases de la réussite européenne : la compétition qui stimule, la coopération qui renforce et la solidarité qui unit. Pas si simple.

Face à une Europe qui branle dans le manche, Jacques Delors présenté comme la voix de la sagesse invite à passer à l'acte : "Pour ne pas tomber, le choix me paraît simple: soit les États-membres acceptent la coopération économique renforcée que j'ai toujours réclamée, soit ils transfèrent des pouvoirs supplémentaires à l'Union". En donnant toutefois comme feuille de route son triangle magique, Jacques Delors prend le risque d'apparaître comme dépassé.

Belle sur la papier, sa formule l'est beaucoup moins dans la réalité. Trés libérale depuis son départ, la Commission a érigé en dogme suprême la concurrence coûte que coûte qui justifie la le démembrement de la puissance publique et oublié ses deux béquilles : la coopération et la solidarité.  Quid par ailleurs du déficit démocratique des institutions européennes qui constitue la première barrière à plus d'intégration ? Peut-on prôner comme Jacques Delors,  une coopération économique renforcée sans l'assentiment des peuples ?

Pour  Jean-Claude Biaut la régulation économique repose sur trois piliers : le rôle des Etats, le rôle des marchés mais aussi, la réaction populaire. "Or ces 3 outils qui assurent l’équilibre de manière plus ou moins satisfaisante à court terme mais assure dans la durée de le développement de toute l’humanité sont actuellement à la limite de la rupture généralisée" estime l'économiste.

L'ancien président de la Commission rappelle que l’euro est une aventure collective qui a été mal gérée. Plutôt que de jeter le bébé avec l'eau du bain, il propose de corriger et de poursuivre le chemin.

Avant d'aller plus loin il conviendrait pourtant de faire le bilan de ce qui ne va pas, notamment, le Traité de Maastricht qu'il a porté sur les fronts baptismaux. Un Traité aux allures de péché originel. Bancal dès l'origine, orphelin, sous la pression anglo-saxonne, de dimension sociale et fiscale.

On connaît la suite. Faute d'harmonisation les Etats se sont livrés dans un réflexe individualiste à un dumping social et fiscal surréaliste. L'Europe a ainsi fauté. Elle a perdu aux yeux des peuples son rôle de bouclier. En laissant la finance spéculative qui se nourrit de l’absence de régulation prendre le pas sur l'économie réelle mais aussi, et c'est le plus visible, en laissant les salariés se transformer en simple variable d’ajustement face à la mondialisation.

Pour éviter le gouffre le père de l'Europe moderne propose de regarder loin : "garder une vision géopolitique à l’horizon 2050, proposer un projet mobilisateur".

Errare humanum est, perseverare diabolicum. Plus d'intégration économique sans y adjoindre plus d'intégration sociale constituerait une nouvelle erreur. Elle signerait la réduction définitive du rêve européen en une simple union de républiques marchandes.


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