Ils ont sauvé ce monde de la finance qui leur est si… cher !
Quelques nababs viennent de décider de mettre la main au portefeuille pour aider l’Etat à alléger la dette publique !
Courage, générosité, abnégation, compassion, altruisme… les mots manquent aux commentateurs et trices pour saluer le geste auguste du donneur fait par ces êtres héroïques bientôt détenteurs de la Légion d’honneur, du Mérite national, et autres marques de reconnaissance attribuées par les plus hautes instances politiques (si ce n’est déjà fait !).
Que se passe-t-il, au juste ?
Exonérés de contribution assise sur une évaluation juste de leurs revenus et de leur patrimoine calculée sur des bases d’égalité fiscale recommandée dans une véritable démocratie républicaine à la française fière de sa devise largement vantée dans le monde, quelques richissimes citoyens proposent dans un mouvement spontané de patriotisme (soufflé à l’oreille par l’un de leurs complices états-uniens) de… payer des impôts !
Ils se sont enfin aperçus, semble-t-il, que les bas revenus paient leur tribut à l’Etat, que les moyens revenus passent à une caisse spécialiste du racket institutionnel, et qu’ils ne sont que des satellites lointains de ce système, qu’ils sont exclus de notre vraie vie sociale, exclus donc de la Nation profonde et fraternelle. Et ils en sont malheureux ! Et ils en souffrent !
Par obligation morale et souci d’humanité, nous devons donc les accepter dans notre communauté des exploités de tout poil.
Courage, amies et amis, accueillons à bras ouverts ces citoyens que notre Etat a si longtemps… oubliés, voire méprisés !
Mais attention : ne les contraignons pas à vivre comme nous ! Trop fragilisés qu’ils sont par leur détresse d’êtres trop longtemps rejetés, ils ne le supporteraient pas. Acceptons seulement ce qu’ils veulent bien donner à la collectivité, et rendons-leur au centuple leurs bienfaits (en considération, émotion citoyenne, et -surtout- bulletins de vote dans les urnes prochaines.)
Qu’en est-il de la réalité ?
Depuis de bien longues années, ces « bienfaiteurs de l’humanité » font trimer des serfs, délocalisent, spéculent, s’abouchent avec les ministères et leurs occupants, prennent le petit déjeuner dans les palais nationaux (quels qu’en soient leurs locataires), volent dans le flambant neuf avion présidentiel pour des expéditions et dîners d’ « affaires » lointains, se partagent à Marrakech (toutes couleurs confondues) les cascades de thé à la menthe (aphrodisiaque !) et les bons parfums des étals d’épices, amusent le peuple dans des émissions flatteuses, concentrent leurs avoirs, « dégraissent » leurs équipes, spolient les personnels, jouent en Bourse, licencient d’un coup de stylo magique depuis un exil doré de l’île Maurice, ou une somptueuse mais discrète villa de Saint-Trop’…
Depuis longtemps, non seulement, ils ne paient pas d’impôts (ou si peu en proportion de leur fortune !), mais, en plus, l’Etat leur redistribue l’argent tiré des poches des plus pauvres -ou des moins fortunés- (souvenons les 30 millions d’euros offerts à Madame Bettencourt, les plus de 200 millions d’euros offerts à Monsieur Tapie, des concerts de 14 juillet organisés par la Présidence pour distraire la foule, chantés par des artistes dont le cachet -sur fonds publics- file aussitôt… aux Etat-Unis ! et de tous les autres cas si honteux de leur misère et si soucieux de leur dignité qu’ils ont demandé aux feuilles et antennes de ne pas parler d’eux !).
Depuis longtemps, ils se moquent comme d’une guigne de l’état de toutes les finances, y compris publiques, sauf… des leurs !
Et ils arrivent, quelques pièces dans le creux de la main, impatients de se faire redonner par le peuple une virginité toute neuve, de se faire peindre sur la tête une auréole de saint, de se faire aduler par les souffrants comme l’était autrefois le Roi capable, disait-on, de guérir des écrouelles !
Or…Notre régime, s’il était vraiment, républicain, devrait imposer à chacun d’entre nous des efforts en faveur de l’Etat proportionnels à ses moyens ! Il le fait de manière arbitraire avec les plombiers, instituteurs, infirmières, ouvriers métallos, chauffeurs routiers, professeurs de collège, caissières de supermarché… les plus humbles. Pourquoi ne le fait-il pas avec les banquiers, patrons du CAC 40, rentiers, spéculateurs, parachutistes dorés, héritiers dynastiques, dépeceurs-nécrophages d’empires industriels, vampires des fonds de pension et d’investissement… les plus riches ?
Notre République, si elle était elle-même respectueuse de sa devise gravée au fronton de ses palais, devrait ne pas attendre que l’un ou l’autre de ces nababs propose de faire un geste de clown triste déguisé en élan de générosité, de faire l’aumône à son Trésor, de lui donner ce que bon lui semble, de jeter quelques pièces à la foule, fussent-elles d’or !
Encore un effort de leur part, et l’Etat recevra d’eux leur dentier d’or obsolète, leur chemise de soie élimée, et les miettes de leurs festins au Fouquet’s !
Les services fiscaux ne demandent pas leur accord aux petits ! Pourquoi ne font-ils qu’attendre la prétendue « bonne » volonté des gros ?
On nous dit que leur imposer les mêmes règles qu’aux humbles expose notre pays au risque de les voir filer à l’étranger avec leur magot ! (Entre nous : bel exemple d’esprit citoyen de la part de ceux qui donnent sans cesse des leçons de morale politique au peuple !) Mais ne craignons rien, car… ils y sont déjà, à l’étranger ! Celles et ceux-là connaissent parfaitement la route de ces planques hors frontières, depuis la nuit des temps, depuis… la fuite des émigrés de la Révolution (qui n’ont pas hésité à combattre leurs propres frères pour défendre leurs prébendes), l’avènement de la République, le Front populaire, l’élection d’un Président à odeur de soufre (pour eux !) en 1981, la débandade récente de la Société Générale et des autres officines usuraires… Ils sont déjà, avec leurs lingots, en Suisse, au Luxembourg, au Lichtenstein, à Monaco, et plus loin encore, ailleurs…
Alors, réfléchissons…
Devons-nous saluer chapeau bas ceux que quelques organes de presse de leur bord nous présentent comme des citoyens exemplaires, désintéressés, généreux, à l’esprit éminemment social, presque comme de nouveaux… « communistes loyaux et partageux » ?
Ou bien devons-nous les voir comme de redoutables magiciens noirs seulement préoccupés de leur survie, faiseurs d’opinion qui bientôt se présenteront comme les martyres de leur propre fruit qu’ils ont baptisé « La Krise », de savants manipulateurs qui savent ce que savent tous les paysans de la terre : pour échapper à un taureau furieux, il suffit de lui abandonner un bout de son vêtement. La bête s’acharne dessus ; elle donne ainsi au fuyard le temps de… sauter la frontière du parc ! Sauvé !
Au diable les cadeaux empoisonnés.
Au diable les niches (habitat naturel des chiens) fiscales (à commencer par les régimes spéciaux de nos politiques professionnels, députés, sénateurs, ministres, sous-ministres, valets de ministres, hauts fonctionnaires…) !
Pour être fidèle aux préceptes de sa naissance, et à l’esprit de celles et ceux qui ont donné leur vie pour Elle, notre République, une et indivisible, doit rester libre, fraternelle et… égalitaire. Elle le pourra si nous n’acceptons pas les boulettes empoisonnées distribuées par quelques maîtres de peu de respect.
Vigilance, vigilance, vigilance citoyenne !
Salut et Fraternité !
Image Georges de La Tour Le Tricheur Musée du Louvre photo GL