Arnold de Wyon… ce nom tristement inconnu est pourtant responsable du grand mystère que constitue la prophétie des papes dites « prophéties de saint Malachie ». Moine bénédictin et éditeur à Venise, c’est en 1595 qu’il léguera à la postérité son ouvrage « Lignum vitae, Ornamentum et decus Ecclesiae » dans lequel il reprend les prophéties attribuées à Malachie d’Armagh, archevêque irlandais mort en 1148 retranscrites dans le passage « Prophetia S. Malachiae, Archiepiscopi, de Summis Pontificibus ».
Texte apocryphe moqué par la communauté des chercheurs qui le juge fantaisiste et ignoré par l’Eglise catholique qui s’interdit -du moins officiellement- de caler l’élection de ses papes sur ces prédictions en préférant s’en remettre à l’Esprit Saint. Il n’en demeure pas moins qu’à chaque conclave, le spectre de la prophétie des papes refait surface et ne manque pas d’alimenter les reportages et autres commentaires relatant cet évènement planétaire.
Mystère ou mystification, la lecture de ces prophéties offre de biens troublantes traductions. Il existe 112 prophéties. Une liste bien trop longue pour être reprise ici d’autant que les sites les reprenant en intégralité ne manquent pas. Intéressons nous aux 10 dernières qui débutent en 1878, date à laquelle Vincenzo Gioacchino Raffaele Luigi Pecci accède au trône de Saint-Pierre sous le nom de Léon XIII.
« Lumen in caelo » La lumière dans le ciel : Léon XIII (1878-1903)
Pape progressiste et intellectuel de part les 86 encycliques qu’il rédigea, sa prophétie est mise en relation par la présence d’une comète sur ciel d’azur portée sur les armoiries de sa famille. D’autres estiment que cette « lumière » tient à son travail diplomatique envers les empires russe et allemand durant toute la période de son pontificat.
« Ignis ardens » Le feu ardent : Pie X (1903-1914)
Né Giuseppe Melchiorre Sarto, saint-Pie X conserve l’image d’un pape conservateur, réformateur et profondément antimoderniste. La devise du feu ardent prête à diverses interprétations. La première lie le jour de son élection (le 4 août) à la fête de saint-Dominique. L’Ordre des dominicains reprend une torche ardente dans son écusson. Par ailleurs, sa propre mère aurait rêvé de cette même torche lorsque celui-ci n’était encore que le petit Giuseppe. La seconde rappelle que sa charge de Cardinal romain le rendait titulaire de l’église Saint-bernard-aux-Thermes bâtie sur les ruines antiques du Caldarium des thermes de Dioclétien où régnait une fournaise quasi permanente. Enfin, la troisième la rattache au début de la première guerre mondiale qui débutera à sa mort et qui en laquelle, selon des indiscrétions de la Curie, Pie X croyait fortement en prenant appui sur la prophétie de son successeur et qui annonçait un dépeuplement de la chrétienté.
« Religio depopulata » La religion dépeuplée ou dévastée : Benoît XV (1914-1922)
De son vrai nom Giacomo della Chiesa, le pontificat de Benoît XV couvrira toute la période de la première guerre mondiale où il développera une intense activité diplomatique. La prophétie qui lui est associée trouve ici une résolution assez marquée, surtout si l’on y ajoute les ravages provoqués par la grippe espagnole de 1918 qui fera près de 30 millions de morts à travers le monde.
« Fides intrepida » La foi intrépide : Pie XI (1922-1939)
C’est sous pontificat que l’Etat de la Cité du Vatican verra le jour au travers des accords du Latran de 1929 conclus avec Mussolini et qui mettront un terme à 1200 ans de domination sur les Etats pontificaux dits « patrimoine de saint-Pierre ». Sa prophétie tient en son intransigeance à ne pas voir la papauté dépossédée lors des négociations débouchant sur les accords du Latran, à son combat contre l’idéologie nazie et aux nombreuses missions pastorales et de l’action catholique menées tout au long de son pontificat.
« Pastor angelicus » Le pasteur angélique : Pie XII (1939-1958)
Eugenio Maria Giuseppe Giovanni Pacelli, Nonce apostolique en Allemagne et témoin direct de la montée du nazisme, puis Secrétaire d’Etat de son prédécesseur à la chaire de saint-Pierre, restera longtemps un pape controversé pour le silence du Vatican –jugé complice- sur l’extermination des juifs en Europe de l’est. Sa devise est interprétée comme un signe de sa dévotion à la Vierge Marie et son attachement aux enseignements de saint-Thomas d’Aquin.
« Pastor et nauta » Le pasteur et nautonier : Jean XXIII (1958-1963)
Le Bienheureux Jean XXIII conserve l’appellation de « Bon Pape » par sa bonhommie sympathique et l’image d’un pape très progressiste et ésotérique. Nonce apostolique à Paris où il fut élevé Cardinal par le Président Vincent Auriol, il sera le père du Concile Vatican II qui a modernisé l’Eglise catholique en profondeur. La prédiction le concernant tiendrait dans son intense activité pastorale et au fait qu’il fut nommé Patriarche de Venise en 1953.
« Flos florum » La fleur des fleurs : Paul VI (1963-1978)
On dresse de Giovanni Battista Enrico Antonio Maria Montini le portrait d’un pape doux et apaisant qui viendra appliquer un baume régénérant à l’Eglise, rendu nécessaire par les suites très difficiles du Concile Vatican II qui s’achèvera sous son pontificat. La devise qui lui est associée tiendrait par la présence d’une fleur de lys sur ses armoiries et de sa naissance dans la région de Florence qui reprend également cette fleur dans son écusson. Le lys, fleur royale par excellence est appelée par les spécialistes…la fleur des fleurs.
« De mediate lunae » de la moitié de la lune ou du temps moyen d'une lune : Jean-Paul Ier (1978-1978)
Albino Luciani est un pape atypique dans l’Histoire qui ne manque pas de faire parler de lui tant pour la durée de son pontificat qui ne dura que 33 jours et 6 heures que par son immanquable sourire. Celui qui accepta sa charge presque par contrainte continue d’alimenter les spéculations et les interrogations. L’interprétation de sa devise demeure partagée et axée sur l’astre lunaire. Si certains y voient le temps d’un simple cycle lunaire (environ 1 mois), d’autres l’associent au jour de sa naissance le 17 octobre 1912, date à laquelle la Lune était à sa moitié…
« De labore solis » de l'éclipse solaire, du labeur du soleil : Jean-Paul II (1978-2005)
Karol Józef Wojtyła, devenu le Bienheureux Jean-Paul II le 1er mai 2011, est un pape que personne n’attendait. Venu de la froide Pologne, il marquera l’Histoire de la papauté par son intense activité pastorale qui le conduira dans 129 pays à travers le monde, sa volonté de développer la diplomatie vaticane qui aidera à la chute du bloc soviétique et par l’étonnante longévité de son pontificat (27 ans). La prédiction qui lui est associée est sujette à controverse. Certains y voient une référence à son origine de l’est (où se lève le soleil), d’autres l’associent au fait qu’il soit né et enterré le jour d’une éclipse solaire quant les derniers ne doutent pas du lien l’unissant au message de Fatima qui parlait « De l’œuvre du soleil, un grand pape surviendra ».
« De gloria olivae » de la gloire de l'olivier : Benoît XVI (2005-)
Depuis l’élection de Joseph Alois Ratzinger (anciennement surnommé le « Panzer Kardinal ») en 2005, la prophétie qui lui est associée laisse les bien pensants perplexes. Il est utile de préciser aussi que les interprétations sont souvent faîtes au lendemain de la mort d’un pape. La gloire de l’olivier n’inspire pas les foules à ce jour. Si les moins disant se contentent de voir l’olivier porté sur les armoiries de l’Ordre de Saint-Benoît, les plus courageux se risquent à y voir un lien avec la « prédication des deux témoins » -présente dans l’Saint-Jean où ces mêmes témoins sont étrangement nommés les « oliviers ».
« Petrus Romanus » (Pierre le Romain)
Pierre le Romain, le grand inconnu qui fait vibrer les adorateurs des grands mystères ! Le prochain pape qui devrait prendre le nom de Pierre II, et ainsi créer un drame au sein du Collège cardinalice jugeant cette appellation comme sacrilège, détient une prophétie que bien peu lui envient.
« In persecutione extrema sacrae Romanae Ecclesiae, sedebit Petrus Romanus, qui pascet oves in multis tribulationibus; quibus transactis, civitas septicollis diruetur, et Judex tremendus judicabit populum. »
Ou en version traduite :
« Dans la dernière persécution de la sainte Église romaine, siégera Pierre le Romain, qui fera paître ses brebis au milieu de nombreuses tribulations. Celles-ci étant passées, la ville aux sept collines (Rome ?) sera détruite et le Juge terrible jugera son peuple ».
Pierre était l’un des douze apôtres de Jésus. C’était le chef du collège apostolique, premier évêque de Rome et à ce titre considéré par les catholiques comme le fondateur de la papauté. C’est également l’apôtre qui renia Jésus à 3 reprises peu avant la Crucifixion. Une triple protestation d’amour répara ce triple reniement. Il joua un rôle essentiel après la mort de Jésus et œuvra à la conversion des Juifs. Le Vatican a été construit à l’endroit où Pierre aurait été crucifié la tête en bas et où ses ossements auraient été retrouvés dans les catacombes. Sa mort se situe pendant ou après l’incendie qui ravagea Rome en l’an 64. Pour satisfaire la colère du peuple qui voulait des coupables, Néron fit sacrifier des chrétiens. Pierre serait donc mort en martyr.
Ne doutons pas que le jour de l’annonce du décès du pape Benoit XVI, les télévisions du monde entier braqueront leurs caméras en direction Vatican pour voir émerger « Pierre le Romain ». En 2012 ? Sait-on jamais, cette année est voulue comme annonciatrice de la fin du monde et du Jugement dernier…