Un Hawk des Red Arrows s’est écrasé, tuant son pilote.
C’est une nouvelle comme on voudrait qu’il ne s’en produise jamais : lors de la clôture du Bournemouth Air Festival, le 20 aoűt, un Hawk de la célčbre patrouille des Red Arrows de la Royal Air Force s’est écrasé. Le lieutenant Jon Egging, qui n’a pas fait fonctionner son sičge éjectable, a perdu la vie dans l’accident.
C’est un coup dur pour tout le monde : tout ŕ la fois proche et lointain, un peu abstrait vu du continent, dans la mesure oů il aurait pu se produire dans le cadre de n’importe quel grand meeting aérien. L’enquęte dira sans doute qu’un grain de sable s’est glissé lŕ oů il ne le fallait pas, grippant une belle machine soigneusement entretenue et provoquant ce drame.
L’émotion est trčs vive au sein de la RAF et ŕ travers le Royaume-Uni. La tristesse est venue jusqu’ŕ nous pour de multiples raisons liées ŕ la réputation de grande qualité des Red Arrows, ŕ l’image de rigueur qui leur est propre, et qu’ils partagent avec quelques autres comme la Patrouille de France, les Frecce Tricolori, les Blue Angels, les Thunderbirds. Ces patrouilles ont en effet valeur de symbole : elles illustrent, pour le plaisir des yeux et la réputation des Forces dont elles arborent fičrement les couleurs, l’excellence, les exigences les plus absolues, la recherche de la perfection et les qualités exceptionnelles des hommes et femmes qui les composent.
Nous ne connaissions évidemment pas Jon Egging. Le Ministry of Defence lui confčre soudainement une triste célébrité posthume qui nous fait découvrir le beau sourire confiant d’un pilote de 33 ans. Il incarnait parfaitement bien les ailes militaires de Sa Majesté et, au-delŕ, celles de l’Aviation de la vocation. Dčs les tout débuts de l’adolescence, il avait ręvé de voler, inspiré par l’exemple de son pčre pilote de ligne. Aprčs des études universitaires, il avait rejoint les rangs de la RAF, prenant successivement les commandes de Tucano, Hawk et Harrier GR9. Il avait servi en Afghanistan, était devenu instructeur avant, récompense précieuse, de rejoindre les Red Arrows en qualité de ŤRed 4ť.
Un beau parcours, un destin qui s’est brutalement brisé ŕ un kilomčtre au sud de l’aéroport de Bournemouth, quelques instants aprčs l’éclatement final de la patrouille au terme d’une présentation en bord de mer devant un public qui comptait en tout logique davantage de vacanciers néophytes que de spécialistes. Telle est en effet la vocation de toute patrouille qui, au-delŕ de la technique et du prestige de l’uniforme, a pour raison d’ętre non dite de constituer la vitrine d’une Arme aux exigences absolues.
Jon Egging s’était glissé dans ce rôle difficile. Avec professionnalisme, un choix parfait des mots, la hiérarchie de la RAF s’est exprimée dans les heures qui ont suivi l’accident avec une touche d’humanité qui a ému. Le Group Captain Simon Blake, commandant de la Central Flying School, responsable des Red Arrows, a évoqué l’aviateur tout ŕ la fois doué et plein d’humilité. L’Air Vice Marshal Mark Green, commandant du 22 Training Group, a dit la compétence et le sourire du jeune pilote. Et, sans le connaître, et avant qu’il ne retombe dans l’oubli, nous avons eu une pensée pleine de tendresse pour lui.
Nous sommes souvent ingrats. Nous évoquons avec constance les prouesses des ingénieurs des bureaux d’études, celles des industriels de l’aéronautique mais, trop rarement, nous disons notre respect et notre amitié aux pilotes. Ce sont pourtant eux qui maintiennent le flambeau, défendent les traditions, perpétuent l’esprit chevaleresque dont les fondements remontent ŕ l’époque des lointains pionniers. Les figures parfaites tracées dans le ciel de nos meetings aériens par les Hawk, Alpha Jet et autres Macchi MB-339, sans cesse recommencées, améliorées et chaleureusement applaudies, sont le fait des Jon Egging, d’oů qu’ils viennent. Ils méritent notre reconnaissance, notre admiration.
Pierre Sparaco - AeroMorning