Président crédible ? Sarkozy a « changé »

Publié le 21 août 2011 par Letombe

Certains promettent le changement, d'autres ressassent le leur.
Nicolas Sarkozy adore changer. Devant chaque critique, pour chaque compétition, il se déclare « changé ». Cette manie a fini par amuser quelques journalistes, même si d'autres restent dupes.
Le 14 janvier 2007, pour son investiture, il avait surpris son monde avec un discours inspiré, écrit par son fidèle Henri Guaino. Le futur conseiller spécial lui avait brodé quelques phrases puissantes, un mélange bordélique de références tous azimuts qui avaient séduit les foules et des éditorialistes pourtant avertis.

« J'ai changé parce que les épreuves de la vie m'ont changé. Je veux le dire avec pudeur mais je veux le dire parce que c’est la vérité et parce qu’on ne peut pas comprendre la peine de l’autre si on ne l’a pas éprouvée soi-même. On ne peut pas partager la souffrance de celui qui connaît un échec professionnel ou une déchirure personnelle si on n’a pas souffert soi-même. J’ai connu l'échec, et j'ai dû le surmonter.»

Ce jour-là, il promet la République irréprochable : « J'ai changé parce qu'à l'instant même où vous m'avez désigné j'ai cessé d'être l'homme d'un seul parti, fût-il le premier de France.»
Une fois élu, le Monarque « changea » à nouveau à de nombreuses reprises.
En décembre 2007, sept mois à peine après son arrivée à l'Elysée, il change déjà. La France vomit ses excès Bling-Bling, de sa retraite spirituelle sur le yacht d'un ami milliardaire à la villa américaine « prêtée » par un autre ami milliardaire aux Etats-Unis. Les sondages deviennent vite mauvais : les conseillers du Monarque s'inquiètent. Sa cote de popularité est tombée à 44%... S'ils savaient.  Cécilia l'a quitté en octobre, ils ont divorcé, il en devient malade. Quelques semaines plus tard, il tombe sur Carla, l'emmène à Disneyland Paris, puis a Louxor, en Engypte, invité par l'autocrate Moubarak. Il deviendra discret. C'est promis. « Il a changé ».
En septembre 2008, Sarkozy change de discours, mais ne l'avoue pas. Il devient gauchiste, voire révolutionnaire. Les subprimes qu'il voulait essayer en France ont flingué le marché immobilier américain. Le crash boursier est gigantesque. Sarkozy, l'ancien avocat d'affaires qui conseillait ses clients en expatriation fiscale en Suisse déteste désormais les paradis fiscaux. 


En décembre 2008, il change encore. Après 6 mois de présidence française de l'union européenne et une Grande Crise, il confie aux députés européens : «J'ai essayé de bouger l'Europe mais l'Europe m'a changé. Lorsqu'on a la chance pendant six mois de connaître et d'avoir à trancher des problèmes de 27 pays, on gagne en tolérance, on gagne en ouverture d'esprit .»
Le 1er juillet 2009, re-belote. Ses conseillers s'inquiètent. Sarkozy vient de subir une déroute inédite aux élections européennes du printemps, malgré sa Très Grande Présidence de l'Union. Il faut changer, encore et vite. Les sondages sont calamiteux. On touche le fond, ou presque. Sarkozy a une idée, un grand entretien de (fausse) repentance dans les colonnes du Nouvel Observateur, désormais dirigé par Denis Olivennes. Et bien devinez quoi ? Sarkozy a changé, nous explique-t-il !

N. O.On se souvient encore de l’échange plutôt vif que vous aviez eu avec Laurent Joffrin, le patron de "Libération" – il vous reprochait d’avoir "instauré une forme de pouvoir personnel, voire de monarchie élective" –, lors de votre conférence de presse de janvier 2008...
N. Sarkozy. – Je ne l’aurais plus aujourd’hui. Pas seulement en raison de la considération que j’ai pour l’intéressé. Mais en raison de l’idée que je me fais de ma fonction. Est-ce de cela dont je suis le plus fier dans mon début de mandat ? Certainement pas.

 Ou encore : «  j’ai commis des erreurs. Est-ce que tout ce qui m’est reproché l’est injustement ? Non. Il faut un temps pour entrer dans une fonction comme celle que j’occupe, pour comprendre comment cela marche, pour se hisser à la hauteur d’une charge qui est, croyez-moi, proprement inhumaine. »
En janvier 2010, Sarkozy a changé, il en a marre des écolos, de l'environnement et tout le toutim. « ça commence à bien faire » explique-t-il à des agriculteurs. C'est normal, quelques semaines avant, en décembre 2009, il a raté son sommet de Copenhague et s'est fait retoqué sa taxe carbone par le Conseil constitutionnel dominé par d'affreux chiraquiens.
En mars 2010, c'est dit, c'est confirmé : Sarkozy a enfin vraiment changé. Il s'est calmé. Il pense à sa prochaine grande réforme, les retraites. Sur son blog, quelques heures avant d'aller voter aux élections régionales, Jean-François Kahn fait semblant de s'interroger : Sarko peut-il changer ?  Non, le Monarque n'a pas changé. Le 30 juillet suivant, il livre un discours d'une violence inouïe contre l'immigration qui semble clôturer sa séquence identitaire. Tout y est, et pire encore : déchéance de nationalité, lien entre immigrés et insécurité, chasse aux Roms, amalgames en tous genres. La violence des réactions nationales et internationales et la persistance de son impopularité le font plier. A l'automne, il se terre.
Mardi 16 novembre 2010, Nicolas Sarkozy a changé. Encore, évidemment Il passe à la télévision. Sa réforme des retraites a été adoptée 8 jours avant. Sarkozy veut convaincre qu'il n'a fait que son devoir : le régime était gravement déficitaire (« On ne pouvait plus payer les retraites »), les riches payaient trop, les pauvres n'ont pas le choix (« cette réforme rapporte 42 milliards d'euros par an.») Sur son impopularité, il concède : « Je dois me poser la question.» Ou encore : « vous savez, je respecte les commentateurs. Le commentaire est libre. Et c'est bien ainsi en démocratie. »
En juillet 2011, Sarkozy a changé. Il est définitivement hors-sol. Les Français craignent pour leurs économies, à cause de la crise de l'euro, mais Sarkozy file en Afghanistan jouer au chef de guerre.
Sarkozy change tout le temps. Dites lui ce qu'il faut pour gagner votre suffrage. Et vous verrez, il changera.

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