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Submarino

Publié le 22 août 2011 par Litterature_blog
SubmarinoPour Nick et son frère, la vie n’a jamais été une partie de plaisir. Des premières années passées dans la rudesse d’un foyer pour garçons abandonnés de Copenhague. Un beau jour, leur mère s’est pointée pour les récupérer. Le début d’une belle vie de famille ? Pas vraiment. Maman est alcoolique, et pas qu’un peu. Du genre à trainer dans les bars jusqu’à pas d’heure, louant ses charmes dans les toilettes contre un verre. Souvent ses fils la retrouve au petit matin, affalée dans la cuisine, baignant dans sa pisse. Quand elle est tombée enceinte, il n’y a même pas eu de répit et une fois que le petit est né, ce sont ses grands frères qui se sont occupés de lui tant bien que mal : pas toujours évident d’aller piquer du lait en poudre et des couches au supermarché du coin. Mais c’est quand le drame est survenu que tout a basculé :
Quand nous nous sommes réveillés ce matin, il ne bougeait plus.
Quand nous nous sommes réveillés ce matin, quand maman est sortie de la pièce où elle avait dormi toute la nuit, il était tout à fait inerte.
Dans son landau, dans l’entrée. Tout blanc.
Maman a dormi ici toute la nuit mais elle n’a rien entendu. Il n’y avait rien à entendre. Il ne bougeait pas.
Maman a eu un choc quand elle l’a trouvé.
Maman s’était assise et ne disait plus rien, elle était sous le choc. Ça a duré plusieurs heures.
Alors nous avons appelé. Maman n’en était presque pas capable.
Mais il faut le faire, il faut appeler.
Maman était assise auprès de lui, même s’il ne bougeait plus, et essayait de lui donner le sein.
Maman avait eu un choc.
Quand nous nous sommes réveillés ce matin…
C’est après la mort du bébé que les deux garçons ont mal tourné. Nick, rongé par l’alcool, garde chevillée au corps une violence qu’il a parfois du mal à contrôler. Déjà incarcéré pour avoir tabassé un pauvre gars qui l’avait regardé de travers, il tente de se tenir à carreau, passant sa rage sur les haltères d’une salle de sport et trainant avec Ivan, un SDF taciturne. Son frère, devenu héroïnomane, élève seul son fils de six ans et dirige une petite équipe de dealers à l’incontestable efficacité.
Mais à force de se débattre au bord du précipice, les frangins vont finir par glisser. Plus dure sera la chute...
Longtemps que je n’avais pas lu un roman aussi « dur ». Réaliste ? J’en sais foutre rien. Crédible ? Aucun doute là-dessus. La construction du texte est limpide : le point de vue des frères est exprimé à la première personne en deux parties très distinctes incluant quelques flashbacks sur leur jeunesse commune. Le tout encadré par un prologue et un épilogue qui donnent au lecteur les clés pour comprendre les tenants et les aboutissants du récit. Les chapitres sont très courts, percutants. L’écriture est simple, les dialogues sonnent juste.
Pas question de juger, de donner une leçon. Juste dérouler les faits, mettre à nue la mécanique de cet engrenage inarrêtable qui emmène Nick et son frère toujours plus loin dans la marginalité. Submarino est une tragédie. Dès le départ, on comprend que le sort des deux « héros » est jeté. Leur destin tout tracé ne peut qu’aboutir à ce dénouement terrible.
C’est presque devenu un classique dans la littérature étrangère actuelle, il faut toujours qu’un auteur aille gratter jusqu’à l’os les comportements « borderline » de ses contemporains, souvent d’ailleurs en s’inspirant de sa propre existence. Il y a eu Bukowski aux États-Unis, il y a Murakami Ryu au Japon, il y a Pedro Juan Guttierrez à Cuba et tant d’autres encore. Au Danemark, il y a dorénavant Jonas T. Bengtsson qui, avec ce second roman, frappe très fort. Sans doute un texte à ne pas mettre entre toutes les mains pour éviter que certains lecteurs « sensibles » ne l’abandonnent en route. Pour ma part, c’est tout à fait la littérature que j’aime, celle qui vous saute à la gorge sans faire de chichi. Mais je me garderais bien de conseiller ce titre sans concession, préférant laisser à chacun d’entre vous le soin de se faire son propre avis.
Submarino, de Jonas T. Bengtsson. Denoël, 2011. 530 pages. 27 euros.


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