Trois danseurs, une danseuse, dans la Cour des Invalides. Où il sera question de la ville, des chemins qu’on y cherche, qu’on n’y trouve pas forcément – mais, comme on peut le lire ailleurs (dans l’exposition Morceaux Exquis, par exemple), n’est-ce pas parce qu’on a toujours les yeux fixés sur ce qu’on cherche et non sur ce qu’on trouve ?
Les danseurs luttent avec des barrières Vauban. Vauban a son mausolée aux Invalides. Le message du spectacle, s’il en est un, prend donc ici de multiples dimensions. Il s’agit, d'abord, de ces obstacles qui gênent notre marche dans la ville, qui la gênent mais l’orientent aussi. Il s’agit aussi des obstacles symboliques, historiques, nombreux, qui font notre existence sociale.
Henri Michaux écrit, dans son recueil Epreuves exorcismes : « Je m’appuie sur les coups que l’on me porte ». Et les barrières, d’obstacles, deviennent limites à franchir, de celles sur lesquelles on peut prendre appui pour atteindre le ciel, mais y a-t-il quelqu’un là-haut ? La question lancée par un danseur me rappelle ces vers de Jehan Rictus :
Mais ! gn’a donc pus rien dans le ciel !
Sûr ! gn’a pus rien ! Quelle infortune !
(J’suis mêm’ pas sûr qu’y ait cor la Lune.)
Sûr ! gn’a pus rien, mêm’ que peut-être
Y gna jamais, jamais rien eu…
Un siècle plus tard, mêmes questions. Les hommes et les femmes y répondent-ils de la même façon ? Rictus est seul et soliloque. Les danseurs sont plusieurs. Certes, ils semblent indifférents aux mouvements de la femme ; certes, ils emprisonnent l’un d’entre eux, peut-être parce qu’il est d’une autre couleur de peau, et vont même jusqu’à l’expulser de leur espace. Mais leur façon de s’enfermer chacun chez soi ne résout aucune de leurs questions : pourquoi ? comment ? Elle ne les mène qu’à vouloir empiéter sur le territoire de l’autre.
Il faut en passer par la folie, peut-être. Car il faut être fou pour vouloir se libérer, non ? Et tenter de recommencer, autrement, le chemin de la communauté humaine.
J'ai vu ce spectacle dans le cadre de Paris Quartier d'Eté.