Présentation de Serge Bromberg Vo et Vost
C’est l’un des derniers grands films,de ce réalisateur dont la carrière sera brutalement interrompue par la Chasse aux sorcières lancée contre Hollywood. Pouvait-on alors lui reprocher d’avoir montré du doigt le malaise et le sentiment de culpabilité dans la société américaine de 1945 ? Ce faisant Dmytryk exposait tout aussi brutalement la dualité française de la résistance et de la collaboration à l’heure des comptes,alors que la seconde guerre mondiale s’achevait à peine.
Il s’en nourrit pleinement pour imaginer entre la France, la Suisse et Buenos Aires, la traque du responsable de l’assassinat d’une cinquantaine de personnes, dont la femme d’un aviateur canadien.Anéanti par la douleur, celui-ci se lance à corps perdu dans sa nouvelle mission, au point de mettre en péril, sa vie et celle de ceux qui pourraient lui venir en aide.
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A cet instant, le film noir commence réellement. Car notre héros, aveuglé par son désir de vengeance, croit tout comprendre avant même son arrivée à Buenos Aires.Le piège qui se referme alors, c’est celui que lui tend un réalisateur espiègle et complice du scénario de John Paxton qui tisse les fils d’une énigme dans laquelle on peut se perdre tout aussi aisément.
En tout cas, ce fut mon cas,et plus d’une fois ,sur un plan serré jouant sur les ombres et les bruits extérieurs, ou devant le visage impavide d’un valet de chambre bien mystérieux, je ne savais plus quoi penser .Les amis d’hier n’ont-ils pas changé de camp, et ces nouvelles fréquentations, sont-elles aussi dangereuses que l’histoire veut bien le dire ?
Dick Powell se méfie beaucoup de l'insaisissable Walter Slezak
Les questions fusent et le factotum de service, ne fait rien pour dissiper les doutes .Il s’appelle Melchior Incza (Walter Slezak) l’intermédiaire suspect, qui conduit notre héros au cœur du système installé par les nazis et collabos, dans les pays d’Amérique du Sud, après la chute du pouvoir hitlérien.
Un sujet que le cinéma a plusieurs fois évoqué ( voir par exemple « Ces garçons qui venaient du Brésil » de Franklin J. Schaffner ») et que Dmytryk ne fait ici qu’effleurer au cours d’une réception avant tout destinée à lancer les premières escarmouches.On y joue à fleuret moucheté, les véritables personnalités demeurant dans l’ombre.Et si l’une d’elle décline son identité, on ne la croit guère.
Le jeu des miroirs, que les cinéastes aiment tant
Ainsi quand Gerard ,campé à la perfection par Dick Powell,interroge le fameux Incza qui lui colle aux basques et lui promet de le conduire à l’assassin de sa femme, celui-ci à la moue des grands jours.Français ou Allemands ? “Je suis un gastronome, dit-il. Mon sang est un mélange de nombreux et excellents vins européens ».
Une réplique inscrite dans un scénario savamment élaboré : les dialogues souvent percutants, analysent à plusieurs reprises, les tenants et les aboutissant de l’immédiate après-guerre et la valeur des comportements humains.
Selon Dmytryk, le doute n’est pas permis : les salauds ont encore de beaux jours à vivre.
A noter
Ce film s’ inscrit dans la Collection « Classiques de poche RKO » – 12ème vague ! Avec également « Citizen Kane » de Orson Welles, « Un mariage compliqué (Holiday Affair) » avec Robert Mitchum, et Janet Leigh , « Nid d’espions » (The Fallen Sparrow), avec John Garfield et Maureen O’Hara, « La Femme aux revolvers » (Montana Belle), avec Jane Russel et « Love Affair » (Elle et lui), de Leo McCarey