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Les gens normaux sont des gens bizarres

Publié le 21 août 2011 par Lana

Je sens que ça va être mon tour. On est dans une salle de sports, dans l’école où on dort pendant le chantier international. Je suis un peu à l’écart, regardant les autres s’amuser à désigner quelqu’un pour se ruer tous dessus et lui enlever ses chaussures pendant qu’il se débat en essayant de les garder. Les gens normaux sont bizarres, ce n’est pas nouveau. Ils disent oui et pensent non, ils font semblant de ne pas vouloir qu’on se jette sur eux pour les chatouiller et leur voler leurs chaussures alors qu’au fond ils sont d’accord. Un peu comme quand on leur dit qu’on n’aime pas les fêtes surprises, les discours, les enterrements de vie de jeune fille mais qu’ils nous les imposent quand même, parce que tout le monde aime ça, forcément, et après si on râle parce qu’on avait dit non et qu’on ne nous a pas écouté, on est une rabat-joie. Bref, pour les gens normaux, tout le monde est comme eux.

Tout le monde y est déjà passé, ils vont se jeter sur moi. Et ça, c’est hors de question, totalement hors de question. Si on me touche, je meurs. C’est aussi simple que ça. Je peux essayer de m’en aller discrètement, mais ils vont le voir et ça va les amuser encore plus de devoir me pourchasser. Je peux dire non. Mais c’est ce que tout le monde fait, en criant, en hurlant, et ça ne fait que jeter de l’huile sur le feu. Leur non veut dire oui. Pour moi, les choses sont simples. Je ne sais pas mentir, quand je dis non c’est non, et oui c’est oui, je ne sais pas c’est je ne sais pas. Ca m’excède qu’on me demande trois fois de suite si je veux boire quelque chose quand je dis non. J’ai l’impression qu’on me parle comme si je n’existais pas, comme si on n’avait pas écouté ce que j’ai dit. Je dis non parce que je ne veux rien boire, c’est tout, pas la peine de me harceler en me le redemandant tout le temps. Je ne suis pas très compliquée, au fond. Les oui-non-si-peut-être-non-allez oui d’accord, je ne connais pas. Mais à mon avis ils ne vont pas le comprendre. J’aurai beau dire non, crier, ça ne servira à rien. Ils vont me dévorer vivante, et là je vais vraiment devenir agressive, les frapper, peut-être les mordre qui sait, ça va être terrible, ils ne vont rien comprendre, et je vais passer pour une folle furieuse. Ca va jeter un froid, c’est le moins qu’on puisse dire, mais je ne pourrai pas faire autrement s’ils se jettent tous sur moi.

Quand je vois les regards se tourner vers moi, j’ai une idée. Parler ne sert à rien, il faut juste empêcher le jeu d’avoir lieu. Alors je leur tends mon pied, je dit allez-y, je suis d’accord, prenez mes lacets et ma chaussure. Même ça, je n’ai pas envie qu’ils le fassent, mais comme prévu, ils ne le font pas. Personne ne se jetera sur moi. Comme d’habitude, je suis la rabat-joie, mais au moins pas la folle furieuse.

Ma faculté d’adaptation à la bizarrerie des gens normaux fonctionne, c’est déjà ça.


Filed under: Moments de vie

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