Sous les yeux

Publié le 21 août 2011 par Laurentnoel

 Dedans. La pensée insaisissable, celle qui passe  insolemment du vacarme au fracas, qui se perd dans l’effroyable confusion des temps, qui glisse sans prévenir du silence d’aujourd'hui aux hurlements d’hier, la pensée qui tente au même moment de se faufiler vers un avenir vague et tremblant à la teinte aussi incertaine que les gris des brumes d’hiver, celle qui cherche à tirer malgré tout quelques plaisirs ou satisfactions d’un présent sans consistance, pensée indomptable et hantée qui, remontant la mémoire, bute dans des images cassées ou trempées de chagrin,  cette pensée incohérente, chaotique et envahissante est capable d’aspirer soudain toute expression du regard et d’y laisser seulement une fixité désespérante.

Dehors. Le regard animé, celui qui rencontre une image, qui voyage de la couleur à la forme en cherchant les rythmes et les accords, qui de loin brouille le détail et examine l’ensemble, ce regard curieux qui s’approche pour apprécier la peau, son grain, sa vie, le regard sensible qui glisse sur les lignes en les caressant, celui qui s’éblouit dans la couleur, qui se complaît dans les tons et la lumière infinis de l’encre, qui sait encore s’étonner, ce regard singulier s’enfonce quelquefois si profondément dans la peinture qu’il trouve la force  de presser sur la pensée infectée pour la soulager entièrement du pus de sa folie.  En ces moments si rares,   moments de peinture vécus dans le travail de la toile ou dans l’attention  portée sur l’art des autres, s’ouvre un chemin plus simple où l’esprit se vide et l’œil s’emplit. Un moment de repos.