... J'ai toujours aimé les chats. Je n'en ai jamais vu autant, à Venise, que dans le quartier populaire de San Pietro di Castello, au delà de l'Arsenal. Un jour, je m'étais installé sur le pont de bois qui franchit le canal, au bout de la fondamenta San'Anna, pour dessiner le campanile de la basilique la plus ancienne de Venise. Il semble surgir d'un océan de toits de tuiles rouges, ou prêt à s'y engloutir, comme sa forme penchée peut le faire craindre. A peine m'étais-je assis contre la rambarde du pont qu'un matou gris au poil bien fourni vint se frotter contre mes jambes, passant de l'une à l'autre en louvoyant, ronronnant d'aise. Ce manège dura un bon moment. Je me penchai pour lui gratter le crâne. J'ai commencé mon dessin quand le matou sauta sur mon bloc de papier, frottant sa tête, cette fois-ci, contre mon giron. Il me fallut faire comprendre de façon impérative à ce nouvel ami que je n'étais pas là pour jouer mais pour travailler. Ce n'est pas la seule fois où des chats sont venus se frotter à mes jambes. Mais j'en ai vu aussi qui, assis au milieu d'une piazzetta, assistaient sans même tourner la tête et sans bouger à mes allées et venues en quête d'un sujet : sans doute n'étais-je pas le premier gribouilleur qu'ils voyaient dans les parages, comme le montrait leur air blasé...
Michel Mohrt de l'Académie française - Les dimanches de Venise.*L'écrivain, éditeur et critique littéraire est décédé mercredi 17 août à l'âge de 97 ans .*Peintre du dimanche, tous les jours, à Venise, sont pour moi des dimanches. J'ai retenu une chambre à la pensione où j'aime à descendre. Je puiserai mon eau dans la lagune. Venise m'attend...
©Catherine Hédouin©Catherine Hédouin©Catherine Hédouin©Catherine Hédouin©Catherine Hédouin
©Catherine Hédouin