Harlem Désir, Premier Secrétaire par intérim du Parti socialiste revient dans une tribune parue dans « Le Monde » daté du samedi 20 août sur la crise économique et le pacte d'austerité mis en place par le duo Sarkozy-Merkel.
« La première règle d'or doit être la suppression des cadeaux fiscaux aux plus riches »
Depuis le début de la crise, les gouvernements conservateurs ont multiplié les rencontres, sommets de communication et sommets d’impuissance. Toujours en retard sur les marchés, ils affichent les apparences de l’action sans parvenir à masquer la réalité de leur échec. Les dirigeants européens ont chaque fois agi trop peu, trop tard, et ont laissé les Etats membres les plus fragiles s’enfoncer dans une crise violente, propagée à toute l’Europe par leurs atermoiements qui ont nourri le chantage et le déchainement des marchés.
Désormais, Nicolas Sarkozy et Angela Merkel, sont le couple de la « croissance zéro » pour la France et l’Allemagne. Ce duo ne coordonne plus que l’austérité, remède de cheval imposé à des peuples d’Europe qui n’en peuvent plus de payer une crise déclenchée par la finance, cette finance qui mise en toute impunité sur la faillite des Etats. C’est la double peine : l’addition de la gabegie fiscale version droite française et de l’austérité budgétaire version droite allemande ne fait pas une projet de relance économique et encore moins un projet de société. Au lieu de passer ce pacte d’austérité, Nicolas Sarkozy et Angela Merkel auraient pu entendre le message que même Christine Lagarde leur a adressé dans le Financial Times : « le coup de frein budgétaire ne doit pas bloquer la reprise mondiale », la rigueur ne doit pas tuer la croissance, vitale pour sortir l’Europe de la crise.
A l’inverse, Nicolas Sarkozy n’a su qu’aligner notre pays sur les plus rétrogrades des conservateurs allemands: aucune euro-obligation, aucun renforcement du Fonds Européen de Stabilité Financière, aucun contrôle public sur les agences de notation. Le rejet brutal des euro-obligations par le couple Sarkozy-Merkel est symptomatique d’une politique sans envergure. Le ministre italien des finances Giulio Tremonti qui, comme tous ses collègues n’en disait mot il y a deux ans, déclarait il y a une semaine que si les emprunts européens avaient été mutualisés la crise de la zone euro n’aurait pas existée. Mais, ils ont encore une fois été repoussés par le Président français et la Chancelière allemande. Les mêmes ont rejeté pendant des années la taxe sur les transactions financières, aujourd’hui admise en principe, mais sans calendrier précis pour la concrétiser. Le même fossé sépare les annonces sur un « gouvernement économique européen », cet impératif défendu avec constance par les socialistes depuis la mise en place de l’euro, et la réalité des actes de N.Sarkozy et A.Merkel. Une réunion de chefs d’Etat et de gouvernements deux fois par an ne fait pas un gouvernement européen opérationnel pour piloter la zone euro dans la tourmente quotidienne de l’économie mondiale. Ce prétendu gouvernement de la zone euro ne disposera d’aucun instrument économique nouveau pour agir.
Tous ces effets d’annonce sont graves car il est un point sur lequel les marchés et les peuples se rejoignent : ils se défient des annonces sans substances et jugent surtout aux décisions prises et à leurs effets réels. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’absurde « règle d’or », exigence à laquelle Sarkozy a cédé et qui serait imposée à 17 pays, ne convainc personne. Chacun voit bien qu’elle est davantage une manœuvre politicienne qu’une réponse solide et durable à la crise.
Le devoir de la gauche sera à la fois de refuser l’abaissement de l’Europe et de faire sortir notre pays du surendettement, que l’irresponsabilité fiscale de la droite a fait exploser. La réduction des déficits et de la dette est un impératif. Mais comment la droite peut elle encore prétendre donner des leçons budgétaires quand les chiffres de la dette, du chômage et du commerce extérieur plombent la France et dessinent le sombre bilan de la politique gouvernementale ?
Ce n'est pas dans la Constitution qu'il faut réduire les déficits, c'est aujourd'hui dans la réalité du budget, avec une nouvelle politique fiscale dès la session extraordinaire de septembre. La première règle d'or doit être la suppression des cadeaux fiscaux aux plus riches : revenir immédiatement sur l'allégement de l'ISF, les niches fiscales clientélistes pour les très hauts patrimoines et les hauts revenus, taxer les revenus du capital, les stocks options, les bonus, les surprofits des groupes bancaires et pétroliers.
Et au niveau européen, l’urgence n’est pas à moins de solidarité mais à plus de solidarité. Les Socialistes européens proposent un vrai pacte pour l’emploi, la croissance et le progrès social : une politique industrielle européenne, l’harmonisation fiscale et sociale contre le dumping, des investissements dans les secteurs d’avenir grâce à une véritable budget européen renforcé. Pour nous, la régulation contre la spéculation n’est pas une incantation : il y a urgence à établir une taxe financière de 0,05%, un gouvernement économique aux pouvoirs réels et une agence publique européenne de notation.
C’est la gauche, en Europe et en France, qui montrera qu’il existe une réponse collective à la crise, une réponse qui repose sur des efforts justement répartis et qui prépare l'avenir. Le moteur franco-allemand, trop longtemps abandonné par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel, doit redémarrer au service de l’intérêt général de tous les Européens, pas au service de l’austérité qui brise la croissance et exacerbe les égoïsmes nationaux. Cette idée est au cœur du projet socialiste pour 2012 et sera un chantier prioritaire du ou de la Présidente socialiste qui succédera dans quelques mois à Nicolas Sarkozy.