MasterChef et religion du Maître

Publié le 20 août 2011 par Jlhuss

Dans laquelle on s'incline devant la toute puissance d'un jury pacotille qui fait trembler les "sélectionnés", sortir les larmes ou les rires hystériques.

(Notez les attitudes et le décors, ils ne vous évoquent rien ?)

Si vous aviez regardé quelques bribes d'une émission dont l'édition 2011 débute, "MasterChef", vous auriez certainement noté le formidable décalage entre un quotidien souvent rude, parfois anarchique et la transformation moutonnière que réalise TF1 en un tour de poêle. Cette docilité devant les caméras ne dévoile-t-elle pas une réalité ?

Et pourtant, bonjour les contrastes !

Côté école, la vraie, il n’est pas rare que les enseignants soient bafoués, malmenés, l’autorité critiquée, les enseignements contestés et relégués au rang de vieilleries. Côté télé, on s'incline au contraire devant la toute-puissance d'un jury souverain qui fait trembler les "sélectionnés", sortir les larmes ou les rires hystériques selon les bons ou mauvais points distribués. Il n’y a plus guère qu’à la télé que le tableau d’honneur est encore de mise ; à l’école il est potentiellement discriminatoire et pourrait perturber les têtes blondes. Cette infantilisation cathodique d'un public à genou devant trois types à peine polis, suffisants et imbus est surprenante. C'est vrai, ici dans les cuisines de "Master Chef", mais tout autant dans d'autres émissions du même tonneau évoquant la musique, la chansonnette, le séjour en jungle, que sais-je... Ces productions débiles fonctionnent à plein et font recette !

Notre société ainsi infantilisée; semble prête à tout accepter de "la règle" et du "Maître" pourvu que celui-ci soit reconnu par des caméras et adoubé par les sunlights. Pas très grave lorsqu'il s'agit simplement d'un St Honoré ou de la cuisson d'un blanc de poulet. Mais le signal est fort transposé dans des domaines engageant autrement la vie collective. Rappelons l’abominable expérience de Milgram et sa mesure du degré d’obéissance; ces téléréalités, souvent perverses, représentent finalement une autre approche d’un phénomène sensiblement identique (les images proposées sont évocatrices). "La tentation d'une île" de Philippe Bartherotte, un repenti de ces productions, nous donne à réfléchir. Certains ne discernent aucune réalité, ou si peu dans cette télé-là, un simple amusement débile : le virtuel des ordis et des écrans plasma ne serait qu'attrape-nigauds pour faire du fric. Et si cette infantilisation était en train de devenir pourtant, LA réalité ?