Le procureur veut savoir si Diallo a demandé de l’argent à DSK
L’avocat de l’accusatrice aurait proposé que sa cliente se rétracte en échange d’argent. C’est pour le moins un jeu trouble… Mais illégal.
À quelques jours d’une audience qui pourrait être décisive pour Dominique Strauss-Kahn, la pression monte sur le médiatique avocat de Nafissatou Diallo, Kenneth Thompson. Selon plusieurs médias américains, le bureau du procureur chercherait à savoir si celui-ci a proposé, en juin, aux avocats de l’ancien directeur du FMI d’acheter le silence de sa cliente. Le parquet de New York aurait demandé à ce que lui soient transmis tous les éléments concernant ces négociations présumées.
Dans la justice américaine, la majorité des affaires de viols et d’agressions sexuelles se règlent en grand secret, par accord et compensation financière, pour éviter d’aller jusqu’au procès. Si la démarche émane de l’accusation, elle est parfaitement légale et débouche généralement sur des peines allégées. Mais Kenneth Thompson aurait offert aux avocats de DSK l’arrêt de la coopération de sa cliente avec le procureur en échange d’argent. La période de ces discussions correspondrait aux 19 jours durant lesquels Thompson a refusé que Nafissatou Diallo soit entendue par le parquet.
Publiquement, l’avocat de la femme de chambre a toujours maintenu vouloir que justice soit faite en premier lieu devant des jurés, dans un tribunal criminel. Ces nouvelles fuites, qui confirmeraient des rumeurs de négociations avortées ayant circulé à New York en juin, exposeraient donc le double jeu de Thompson, que ne cessent de dénoncer les avocats de DSK.
Ceux-ci ont-ils fait filtrer l’information à dessein ? Selon l’ex-procureur Brenda Bernstein, «il est critique pour la défense, dans une période aussi cruciale, de convaincre le procureur d’abandonner les charges : toute information nouvelle tendant à prouver que les accusations de la plaignante étaient motivées par l’argent jouent en faveur de la défense». Dans le Wall Street Journal, William Taylor appelle Kenneth Thompson à dévoiler son jeu : «Nous pensons qu’il serait utile pour M. Thompson d’être honnête et ouvert sur ce qui s’est passé», déclare l’avocat de Dominique Strauss-Kahn.
Selon le site The Daily Beast, Thompson aurait aussi proposé que sa cliente abandonne toutes ses accusations d’agression et de tentative de viol contre DSK. Techniquement, une victime ayant témoigné devant un «grand jury» ne peut se rétracter sans risquer des poursuites pour parjure. Détail important : c’est juste après la rencontre désastreuse du 9 juin entre Nafissatou Diallo et les procureurs, lors de laquelle elle a avoué avoir menti sur un viol antérieur en Guinée, que Thompson aurait approché Brafman et Taylor.
Une relation rémunérée ?
Le Wall Street Journal, citant des sources proches du dossier, affirme que Kenneth Thompson et son collaborateur Douglas Wigdor avaient préparé un accord de confidentialité (confidentiality agreement) qu’ils espéraient signer avec Ben Brafman et Bill Taylor. Toujours d’après le journal, ces derniers avaient accepté de les rencontrer vers la mi-juin, mais les discussions n’auraient mené nulle part. Pour quelles raisons, cela n’est pas clair.
Kenneth Thompson continue de se défendre vigoureusement contre l’idée largement répandue qu’il est seulement intéressé par l’argent. Dans le Wall Street Journal, il martèle que les rumeurs de négociations sont «fausses» et qu’il a «hâte de voir l’affaire tranchée par un jury». Il a à nouveau justifié vendredi le lancement d’une action civile – stratégiquement risquée – avant la fin de la procédure pénale par le fait qu’il lui serait pratiquement impossible d’agir si DSK devait être blanchi mardi et autorisé à quitter le territoire américain.
De leur côté, les avocats de DSK n’excluent pas, selon Newsweek, d’alléguer en cas de procès que Nafissatou Diallo espérait être rémunérée pour une relation consensuelle, et que les choses auraient mal tourné lorsqu’elle aurait compris que ce n’était nullement l’intention de DSK. Elle serait retournée brièvement dans la suite 2806 du Sofitel précisément pour voir si, après tout, il n’aurait pas laissé quelques billets verts à son intention.
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