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Melancholia

Publié le 19 août 2011 par Acrossthedays @AcrossTheDays

MELANCHOLIA

Melancholia était attendu au tournant. Pas forcément pour la pitoyable polémique qui s’était déroulée devant toutes les caméras au Festival de Cannes, mais pour l’affiche : Gainsbourg qui rempile, Dunst qui est embauchée et Lars von Trier en tête. Ainsi que pour l’idée : film en deux parties pour deux histoires qui se suivent dans le temps alors que la planète Melancholia suit langoureusement la Terre tout en prenant soin de l’éviter, de danser avec elle, puis de la rencontrer.

Dès les prémices du film on le pressent. Les cinq premières minutes, à la fois longues et belles, montrent des corps emprisonnés dans la Terre, contraints de ne plus être attachés aux futilités d’antan. Melancholia est une planète qui va prendre de plus en plus d’importance dans la vie des personnages. Mais elle est déjà présente à des niveaux différents chez certains, notamment chez Justine (Kristen Dunst).

Le sourire figée, Justine se marie mais semble aller tout droit à un enterrement de première classe. Plus les fastueux rites du mariage s’écoulent, plus Justine s’éloigne de son mari Michael. Elle ne lui a pas déjà dit « oui » devant l’autel de l’Église qu’elle prend un bain avant de couper le gâteau, fait une sieste, couche avec un illustre inconnu puis insulte son connard de patron. Ce dernier, qui lui tend une promotion comme on tend un flingue, veut à tout prix récupérer un slogan le soir du mariage.

Ce sont tous ces petits éléments de la première partie qui intriguent. Ce mariage n’en est pas un et, déjà, on décèle chez la mariée une mélancolie, le poids de la connaissance et un bonheur qu’elle ne trouvera jamais. Si l’on sait ce qu’il adviendra, à quoi bon s’efforcer de sourire bêtement ? Face à ce tableau qui annonce la mort, le mariage n’est plus qu’un rituel sans saveur; un tic d’être humain mortel qui se cherche et qui se crée des cérémonies fastidieuses comme s’il était immortel; une croyance folklorique et stupide. Justine, les yeux brillants et la robe salie, sait ce qui lui attend. Face à elle, sa sœur Claire (Charlotte Gainsbourg).

 Mariée à John (Kiefer Sutherland, surprenant dans ce rôle), Claire a tout de la mère rêvée qui aime son fils et son mari dans leur belle maison, aux dix-huit trous de golfs. L’argent règne dans ce petit coin de paradis et Claire ne peut s’empêcher de haïr sa sœur, qui se comporte comme  une pauvre fille qui n’a rien. Même les plats qu’elle lui confectionne ne plaisent plus à Justine qui croit manger des cendres. Même les bains chaud sont, non pas inatteignables, mais vides de toute substances, et lui semblent inappropriés. Rien ne l’attire, tout la dégoute.

Le personnage de Claire, schizophrène – car à la fois terre à terre et angoissée chronique, est central. Elle ne sait pas mais ressent. Entre sa sœur Justine qui a toutes les clés et son mari John qui utilise sa science pour rassurer son audience, Claire marche sur un fil d’équilibriste. A droite ses habitudes, son bon vin, son immense maison, ses couteux chevaux. A gauche, ses angoisses qu’elle retrouve chez sa sœur, même lorsque celle-ci traverse une période de soit-disant bonheur, le mariage. Au centre, son fils.

Elle hait Justine pour cela. Pour ces angoisses qu’elle aimerait ne plus voir mais qu’elle entrevoit à chaque fois que ses yeux trouvent ceux de sa sœur. Justine est à la fois le personnage le plus faible en apparence et le plus fort au final. Elle est Melancholia, cette planète qui fait la cour à la Terre. Forte et froide comme la démesure et la couleur glacée de la planète dansante, elle est une âme humaine courageuse face à la mort. Ne tombant pas dans les rites anodins que lui propose Claire; résistant à la fin du monde à l’inverse d’un John qui se perd faute de ne plus rien contrôler, Justine vit.

Melancholia se révèle alors un grand film, distillant des éléments ça et là, instituant une ambiance de mort avant même que la mort fasse son travail, et réussissant à faire passer l’émotion grâce aux formidables Dunst et Gainsbourg, sœurs à la fois complémentaires et rivales. Un très bon cru Lars von Trier.

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