L’analyse des aides accordées à la Grèce par la prétendue communauté internationale ne doit être effectuée qu’avec une extrême prudence.
D’abord, il faut noter deux caractéristiques majeures et anciennes du système grec, qui ne sont pas mises en lumière par la presse internationale.
En premier lieu, la corruption : deux familles ennemies-amies se partagent le pouvoir depuis des lustres et exploitent le pays au profit de leur clan. Les privilégiés qui bénéficient de leur soutien échappent à l’impôt et placent leurs actifs dans des paradis administratifs et fiscaux. Le résultat est que l’État n’obtient pas d’impôts des riches et doit frapper les classes moyennes.
Mais le pays est, simultanément, soumis à un socialisme extrêmement virulent et ceci quelle que soit la couleur apparente des gouvernements.
Le produit explosif de ces deux facteurs est que l’économie grecque se traîne depuis longtemps alors que l’ingéniosité des Grecs est célèbre dans le monde entier et ne peut s’épanouir normalement. Inévitablement, il en résulte l’ouragan de dettes qui, justement, conduit à l’impasse présente.
Je ne citerai pas de chiffres car ce serait perdre son temps : ils changent tous les jours et personne ne comprend rien à la valse des milliards ; même s’ils ne changeaient pas, ils sont pratiquement dénués de signification réelle.
La démocratie en déroute
Devant le désastre, cette communauté internationale s’agite pour apporter de l’aide. Celle-ci est fournie par des Etats qui, au lieu de porter vraiment remède, se contentent de replâtrer dans l’attente de leurs propres échéances électorales.
Que ce soit Georges Papaandreou, Merkel, Obama, ou Sarkozy personne ne songe vraiment à une solution véritable. Chacun à l’oeil rivé sur les prochaines élections qu’il devra subir et sur la température de ces élections sous la forme de sondages divers. Ils veulent échapper, le moment venu, à une trop grande part de responsabilité et peu importe le reste : ce qui compte c’est la perception qu’auront les électeurs de la situation au moment des élections. Il faut absolument capitaliser sur une certaine image et la valoriser quand le bulletin de vote glissera dans l’urne. La démocratie n’est pas le gouvernement au service du peuple, mais le système qui permet au peuple d’avoir l’illusion d’être, un instant, maitre de son destin.
J’ai décrit tout cela dans un livre intitulé « La démocratie ou le rêve en morceaux ».
Pour ce qui concerne les mesures financières à prendre pour, soi-disant, sauver la Grèce, les mêmes prédateurs internationaux se retrouvent également. Tous fraternellement unis, ils ont l’idée complètement folle de sauver l’euro : le défaut éventuel de la Grèce conduirait en effet inévitablement à sa sortie de l’euro ce qui fragiliserait l’ensemble. Mais l’euro n’est qu’un appendice inutile et néfaste de la construction européenne. En arrière-fond se trouve le projet de sauver celle-ci, à laquelle ces prédateurs internationaux vouent un véritable culte, pour des raisons diverses. Ils profitent justement de cette crise pour pousser l’idée d’une gouvernance économique européenne qui, selon eux, la ferait avancer.
Une inondation d’argent
Sur le plan pratique, ils noient la Grèce sous une avalanche d’argent créé artificiellement par divers mécanismes expliqués dans la presse et qui d’ailleurs varient au fur et à mesure du déroulement de l’opération. Trichet, lui-même, s’est mis de la partie. En fait, c’est de l’argent volé aux citoyens de l’ensemble de l’Europe et d’ailleurs bien au-delà grâce à l’intervention du FMI. Les chiffres en ascension constante montrent que l’on verse de l’argent dans un trou sans fond. Le résultat certain est que l’Europe, déjà fort malade sur le plan économique, va continuer à se traîner, la France se signalant particulièrement avec sa panne de croissance.
L’affolement du pouvoir en France est tel qu’il nous est promis de la « rigueur ». La vraie rigueur serait de tailler dans le vif des dépenses publiques. Parmi elles, se trouvent les frais extravagants de la formidable pyramide d’élus, unique au monde, qui fait crouler l’économie : il n’est pas question d’y toucher. Tout tourne autour du choix de nouveaux impôts : voir le rabotage des niches fiscales, présenté mensongèrement comme une façon d’économiser !
Le pire est que le résultat espéré ne répond pas du tout aux attentes : l’incendie n’est nullement contenu, mais se propage en Espagne, en Italie, au Portugal, à l’Irlande et peut-être bientôt ailleurs. Quant au marché, il montre bien qu’il n’attache aucun crédit à ce comportement : nul ne peut lutter longtemps contre le marché.
Le FMI, quant à lui, poursuit le rôle néfaste qu’il a toujours joué. Il est attaché uniquement à l’équilibre des comptes de l’État et ne se préoccupe pas de la libération nécessaire de l’économie. L’équilibre recherché dévaste l’économie et punit durement le peuple grec poussé au désespoir.
Il ne fallait pas aider
Dans l’hystérie générale qui agitent les prédateurs publics et aussi l’opinion générale malaxée par la presse, il est nécessaire pourtant de dire qu’il ne fallait pas aider la Grèce.
Deux objections peuvent être éventuellement formulées. D’abord, il est grave qu’un État fasse défaut : il est facile de répondre que les méthodes choisies conduisent précisément à un défaut de la Grèce malgré toutes les apparences.
Il y a aussi le problème des banques dont, par exemple, certaines banques françaises qui se sont aventurées ; certes, cela existe mais il est probable qu’elles peuvent parfaitement supporter ; en outre il est bon de châtier les mauvais banquiers. La méthode actuelle a un effet parfaitement contraire : elle revient à délivrer à tous les banquiers du monde une sorte de permis de mauvaise gestion puisqu’ils croient avoir une garantie implicite des Etats, quelle que soit leurs choix.
Si la Grèce n’était pas aidée, elles trouverait certainement, étant donné l’ingéniosité du peuple grec, la façon de s’en sortir et même peut-être de rembourser ses dettes.
Vers l’inflation
En regard, nous avons deux perspectives. D’abord l’incendie qui s’étend partout. Ensuite nous nous trouvons devant une grande probabilité d’inflation même si, par diverses combinaisons, elle ne semble actuellement pas en vue ; dans l’histoire, on n’a jamais vu des Etats sur-endettés arriver à payer leurs dettes sinon par de l’inflation : il existe des exemples fameux et pas si lointains.
En conclusion, les contribuables-spectateurs de ce cirque ridicule, seraient avisés de prévoir quelque part dans la gestion de leurs intérêts, modestes ou non, la probabilité d’une inflation éventuellement importante, à une date difficile à prévoir.
Michel de Poncins – Tocqueville Magazine
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