Classique du genre, avec la fin de l'Ouest et de ses riantes pâtures, l'arrivée du barbelé qui limite la liberté des uns et les troupeaux de plus en plus grands qui augmentent les profits des autres. Ce film narre la disparition des hommes simples, valeureux et fiers. Dempsey Rae (Kirk Douglas) le premier, vagabond et libre et à l'individualisme forcené, une constante chez Kirk. Il fuit, toujours plus au Nord, il fuit les barbelés et les complications. Mais bientôt il devra faire un choix, comme un genre de thématique Manniène chez King Vidor dont les personnages portaient également souvent cet individualisme auto-destructeur. Le contremaître (Jay C. Flippen) fait aussi partie de ces hommes à l'ancienne, droit, respectueux de ses voisins et des coutumes. Il se fait virer car il est un tenant du capitalisme paternaliste à l'ancienne et n'a pas assez l'obsession de la finance. C'est tout cela que conte L'homme qui n'a pas d'étoile, et bien sûr, malgré le cliché, on peut bien le dire: ce tout cela là résonne encore de nos jours.Dans le genre classique, on a le droit aussi également, comme dit précédemment, au héros qui fait un choix. Après une première partie où Dempsey Rae évite soigneusement de choisir réellement son camp, il est obligé après un passage à tabac en règle de retrousser ses manches et de mettre leur pâtée aux méchants, c'est à dire tuer l'ignoble Richard Boone, l'homme de main sans scrupules. La fin trop vite expédiée masque le fait que si les petites mains ont eu leur leçon, la patronne (Jeanne Crain), elle, continue sans doute ses méfaits sans être inquiétée.Toujours dans le canevas classique, on a aussi en magasin la relation d'un homme avec le frère ou le fils qu'il n'a jamais eu. Les séances de tir, les conseils, puis la prise de distance et l'oiseau qui s'envole du nid dans la mauvaise direction pour finalement revenir dans le droit chemin, le package est mené avec justesse. William Campbell, dans le rôle de l'oiseau, manque un peu de charisme néanmoins, et son amourette avec Claire Trevor est sans intérêt, autre que de voir Claire Trevor. L'érotisme sourd et tendu est à chercher ailleurs, dans la relation dominant/dominé entre Kirk Douglas et Jeanne Crain, sans que l'on sache d'ailleurs qui domine qui.La violence des hommes ne fait pas dans la dentelle, surtout pour un film de 1955. Ils portent des cicatrices, ils se battent et tuent souvent (voir le petit rôle marquant de Jack Elam, dans cette introduction ferroviaire qui préfigure L'Empereur du Nord d'Aldrich). Pour autant, les scènes "baroques", à savoir le passage à tabac de Dempsey Rae, ou la baston finale, n'atteignent pas la frénésie délirante du final de Duel au Soleil. Bourreau de travail, Kirk Douglas avait un mois à tuer entre deux tournages, et en tant que producteur il embaucha King Vidor pour tourner ce film vite fait bien fait. La réussite du film, dans cette situation de précipitation et de rencontre entre deux personnalités aussi indépendantes et fortes, tient sans doute du miracle. Le fait qu'il ne s'agit pas encore tout à fait d'un authentique chef d’œuvre aussi.
Image: Abilène sur Western Movies