Économie, environnement et Prix Nobel
Paul Krugman, un économiste à gauche et vert
Agence Science-Presse Dossier Économie
Paul Krugman, le gagnant du prix d’économie 2008 décerné «à la mémoire d’Alfred Nobel», n’est pas seulement professeur à l’Université Princeton. Il est aussi… blogueur! Et ses interventions publiques montrent depuis des années des penchants très à gauche… et très pro-environnement.
Avant 8 heures du matin, ce lundi 13 octobre, il a sans doute pondu ce qui demeurera l’euphémisme de l’année dans la blogosphère universitaire. Un billet d’une seule ligne : «Quelque chose d’amusant s’est produit ce matin». Avec un hyperlien vers le communiqué du Comité Nobel.
Douze heures plus tard, ce billet avait généré 1900 commentaires.
Paul Krugman
Paul Krugman, 55 ans, a été récompensé pour deux types de travaux, comme d’habitude très obscurs aux yeux des profanes, sur la mondialisation de l’économie et sur la mobilité de la production et de la main-d’oeuvre. Sa «nouvelle théorie des marchés» et sa «géographie de l’économie», dans les années 1980 et 1990, sont censées démontrer comment sont interreliés commerce et géographie, urbanisation, démographie et libre-échange. Pourquoi Toyota, une compagnie japonaise, vend-elle des autos en Allemagne et Mercedes, une compagnie allemande, en vend-elle au Japon?
Mais au-delà de ces travaux connus de la communauté des experts, c’est une des rares fois que le gagnant du prix d’économie «à la mémoire d’Alfred Nobel» (il ne faut pas dire «le Nobel d’économie») est connu du grand public. Souvent invité à la télé, il est un collaborateur régulier de la page Opinions du New York Times depuis 1999, journal sur le site duquel il tient un blogue assez prolifique. Si ses collègues universitaires regrettent l’époque où Krugman était «seulement» un chercheur, le public y a gagné un vulgarisateur hors pair de l’économie.
Controverse autour du Nobel de l’économie
Évidemment, on accusera le choix de ce Nobel d’avoir été politique, à quelques semaines des élections présidentielles, et en pleine crise financière mondiale. Krugman, qui a clairement fait comprendre qu’il se situe à gauche, a plusieurs fois critiqué la politique économique du gouvernement Bush. Il s’est même ouvertement inquiété de la montée de la religion dans la politique de son pays.
Mais plus rare pour un économiste est le fait qu’il se soit prononcé en faveur de mesures fermes pour protéger l’environnement et pour se libérer de la dépendance au pétrole.
Paul Krugman: un économiste écologique
En 2006, iI a salué le film d’Al Gore, Une vérité qui dérange, et attaqué ses détracteurs qui prétendent que les mesures proposées «pourraient détruire l’économie… Eh bien, non, elles ne le pourraient pas. Il y a débat entre les économistes sur la vigueur avec laquelle nous devrions agir pour réduire les gaz à effet de serre, mais il y a consensus sur le fait que même un très fort programme de réduction des émissions n’aurait qu’un impact modeste sur la croissance économique… Et bien que certaines industries perdraient des emplois, d’autres en gagneraient.»
En 2007, il renchérissait : «Laissez-moi vous parler d’un contre-exemple bien réel. Une économie moderne qui est parvenue à combiner une hausse du niveau de vie avec une diminution importante de la consommation d’énergie par habitant, et qui a réussi à garder ses émissions de CO2 plus ou moins stables depuis deux décennies, en dépit d’une croissance rapide de son économie et de sa population… Le nom de cette économie? La Californie.»
Et en juillet dernier, en véritable économiste et mathématicien : «La question est, pouvons-nous convaincre les gens de faire de modestes sacrifices pour se protéger contre une faible probabilité de catastrophe dans un futur éloigné?»