Ken Weinstein, président du Hudson Institute, un think tank américain, livre son analyse de l’officialisation de la candidature de Rick Perry, le gouverneur du Texas, pour les primaires républicaines. Un article publié originellement sur le site de l’auteur.
Déjà, le dernier sondage Rasmussen vient de lui accorder 29% des intentions de vote, soit onze points d’avance sur Mitt Romney, l’ancien Gouverneur du Massachussetts, qui n’obtient que 18%. Michele Bachmann, l’égérie du mouvement Tea Party, n’obtient elle que 13%. Mais Perry doit encore convaincre : il est plus souvent distancé par Romney qui, d’ailleurs, obtiendrait un meilleur score contre Barack Obama s’il était nominé – 41% contre 46 pour l’actuel Président, alors que Perry serait défait à 33% contre 52.
Ce lancement de sa campagne a rappelé que Rick Perry était un candidat redoutable, n’ayant jamais perdu la moindre élection. Réélu en 2010 au poste de Gouverneur du Texas, il a défait au passage Kay Bailey Hutchison, la Sénatrice de cet État, et a montré qu’il pouvait s’affirmer contre une personnalité aux assises politiques particulièrement solides.
Rick Perry pourra de surcroît compter sur son bilan en politique de l’emploi. Alors que Barack Obama est violemment critiqué pour son échec – le taux de chômage refuse de descendre en-dessous des 9%,– le Texas a de quoi faire des envieux : à lui seul, cet État a créé près de 50% des emplois américains depuis 2008.
Naturellement, les commentaires sarcastiques se font déjà remarquer. L’origine texane de Perry incite à l’amalgamer avec George W. Bush. Les observateurs les plus avisés savent pourtant que leurs relations n’ont pas toujours été idéales. Perry s’est dissocié de Bush, lui reprochant sa posture étatiste en matière économique – son « conservatisme compassionnel » – et son bilan de Gouverneur… ce qui n’est pas pour déplaire aux radicaux du mouvement Tea Party, tout comme son commentaire sur Ben Bernanke, le Président de la réserve fédérale, qualifié de « traître » en raison de sa politique de création monétaire. Il a dévoilé là un tempérament abrupt, mais cette approche sans concession, typique du sud-ouest, reste appréciée par de nombreux Américains.
Le duel Perry-Romney
Comme le faisait remarquer Bill Kristol, le parti républicain a souvent choisi, au cours des trente dernières années, le candidat défait lors de la précédente primaire: Reagan en 1980, Bush en 1988, Dole en 1996 et McCain en 2008. George W. Bush fut la seule exception. Romney devrait donc être nominé, si cette règle s’avérait être intangible.
Mais Kristol fait aussi remarquer que le GOP a systématiquement, depuis la seconde guerre mondiale, nominé des candidats dont l’expérience parlait d’elle-même : Thomas Dewey (1944 et 1948) fut Gouverneur de New-York, Eisenhower (1952) était le héros du débarquement en Normandie, Nixon (1960 et 1968) fut Vice-président de Californie, Reagan (1980) gouverneur de Californie, George Bush (1988) vice-président du Texas, Bob Dole (1996) leader de la majorité au Sénat, et George W. Bush (2000) gouverneur du Texas. Les seules exceptions à ces postes exceptionnels furent deux Sénateurs de l’Arizona, Barry Goldwater (1964) et John Mc. Cain (2008) mais ils étaient des personnalités du parti républicain et avaient déjà été candidats lors des primaires.
Il semblerait ainsi que l’histoire inciterait à un duel entre Perry et Romney, et non à des candidatures mineures, radicales, qui ne sauraient convaincre la majorité de l’électorat américain.
Face à celui qui était, jusqu’à aujourd’hui, pressenti pour l’emporter, Perry devrait compter sur sa plus longue expérience de Gouverneur – dix années contre quatre. Aussi, le projet de santé que Mitt Romney a mis en place dans le Massachussetts peine à convaincre les électeurs conservateurs, lancés depuis deux ans dans un refus systématique de l’« Obama Care ».
La politique étrangère, le véritable examen du courage ?
Cependant, il en faudra davantage encore. En effet, l’Amérique a rarement fait face à des crises concurrentes en politique domestique et étrangère : l’abaissement de la note par S&P, le retrait sur la scène internationale alors que le Printemps arabe émergeait, l’échec en Afghanistan et la fragilisation des alliances avec nos partenaires traditionnels sont autant de défis posés aux candidats. Indéniablement, Rick Perry devra faire ses preuves en politique étrangère, compétence présidentielle par excellence.
S’il a souvent voyagé en Amérique latine, en Europe ou en Asie en tant que Gouverneur, afin d’attirer les firmes au Texas, et qu’il a servi dans l’armée de l’air américaine entre 1972 et 1977, il doit encore définir une réelle vision.
Signe que sa campagne est d’ores et déjà lancée, il multiplie actuellement les réunions avec des experts en politique étrangère, par l’intermédiaire de Donald Rumsfeld. Y participent mon collègue Doug Feith, ancien sous-secrétaire à la Défense, ainsi que William Luti, ancien membre du National Security Council, Charles « Cully » Stimson, ancien officiel du Pentagone, Daniel Fata, ancien adjoint au Secrétaire à la Défense pour l’Europe, Dan Blumenthal[1], de l’American Enterprise Institute, Peter Brookes, spécialiste de l’Asie de la Fondation Heritage, et Zalmay Khalizad, ancien ambassadeur des États-Unis en Afghanistan.
Rick Perry devrait ainsi se dissocier des principaux candidats républicains : Mitt Romney a souvent changé de position, tandis que Michelle Bachmann fait prévaloir les considérations budgétaires sur la stratégie. J’avais évoqué un discours de Tim Pawlenty il y a quelques semaines. Indéniablement, Perry et celui-ci devraient partager de nombreux arguments, sans hésiter à rompre avec le « néo-isolationnisme » qui gagne aujourd’hui le GOP. Il s’est déjà montré sceptique devant les velléités russes, chinoises ou iraniennes et particulièrement critique à l’encontre du retrait de Barack Obama vis-à-vis de l’État hébreu et des coupes du budget de la défense.
En définitive, les craintes d’une trop grande dispersion des voix lors de la primaire – annonciatrice d’un échec face à l’actuel Président – pourraient bien être contredites. En saisissant ces défis qui se posent à l’Amérique, Rick Perry devrait gagner en stature et devenir le candidat qui faisait jusque-là défaut au parti républicain, capable d’imposer un consensus à des tendances internes souvent contradictoires.
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[1] À lire : Dan Blumenthal, « Le faux capitalisme de la Chine », traduit de l’Anglais par le Bulletin d’Amérique.
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