A la moindre excuse, je boucle ma valise rose et je saute dans le train pour la Charente-Maritime, au grand damne de la moustache. En juillet, mon amie Anne organisait un stage d'expression libre peinture. Hop, voici la grenouille une nouvelle fois sur la route...
J'apprécie quand je loge à la campagne de pouvoir faire des promenades à pied. Vraiment à pied, sans prendre la voiture. Juste enfiler ses baskets, attraper mon appareil photo rose (je vous rassure, je n'ai rien d'une Barbie). Et zou, c'est l'aventure !
A force, je commence à connaître un peu les chemins autour de la maison. Comme point de repère : un grand château d'eau planter dans l'horizon évite de trop se paumer.
Le terrain est légèrement vallonné surtout du coté des vergers. Une promenade idéale en début de soirée. Nous quittons le bitume pour des chemins de terre qui sillonnent entre les champs de tournesols et le foin déjà fauché, roulé, rangé et prêt à être consommé. Miam.
Il y a aussi une zone protégée pour les oiseaux avec des haies vives, des plantes choisie exprès pour leur fonction garde mangé à piaf. Les volatiles doivent être heureux ici, à l'abri des chasseurs, le casse-croûte à porté de bec.
Au fil des saisons, le paysages change.
Si rien n'égale la beauté des cieux d'hivers au couchant, le paysage d'été se vautre dans le jaune avec les touches fantaisistes des fleurs des champs, toujours sur le pont.
Je les reconnais, ces fleurs sauvages qui se fanent à peine coupée mais résistent, en terre, aux conditions les plus rudes. Elles égayaient déjà le terrain-vague où je jouais enfant. Elles décoraient de leur guirlandes dansantes le grand carré d'herbes folles juste en face de ma maison. Ces herbes où les chats du quartier se bastonnaient gaiement.
Tant de fleurs dont j'ignore le nom mais dont je connais la couleurs, la forme des pétales, l'odeur souvent évanescente.
Toujours là.
A la campagne, ma vie me semble plus longue, plus ancrée dans le passé. Les souvenirs surgissent sans nostalgie, se mêlent au présent en une petite ronde rigolote avant de se remballer dans les méandres de l'esprit.
A la campagne, je suis aussi ancrée dans le présent.
Rien ne vaut une longue marche sur le bas coté pour se vider la tête des soucis triviaux. Éviter la flaque d'eau, ne pas trop s'approcher des orties. Là un oiseau bizarre. Là une grosse chenille qui traverse le chemin et fait une pause déjeuner, totalement ignorant de l'observatrice monstrueuse qui colle son objectif à quelques centimètres de ses mandibules.
Ancrée dans le présent.
Je me sens plus légère, plus calme. Avec les années l'agressivité ambiante de Paris érode ma carapace. La masse humaine me fatigue.
Je suis capable en quelques secondes de perdre toute sérénité, d'avoir des bouffées de rage d'une violence inouïe. Je comprend ceux qui partent, las...
Et pourtant...Les humains ne sont ni plus polis ni plus respectueux ni même plus intelligents à la campagne. Ils sont juste moins nombreux. Et lorsqu'on vit moins dans nos cocons de béton, on se souvient que l'homme n'est pas équipé pour survivre dans la nature sauvage.
Il l'apprivoise – ou tente de la dominer – en façonnant des paysages. Peut-être qu'à la campagne, on subit plus les aléas de la planète ? Cela nous rend plus humble...
Alors, histoire parfois d'oublier que je n'ai qu'un carré de ciel gris, je mets plein de plantes devant ma fenêtre, et dehors sur le bord. Et puis des grands pots dans la cours. Je regarde mes érables, mon marronniers, lilas, althéats... Je songe à leurs racines un peu à l'étroit, à leur feuilles qui subissent la pollution et l'attaque massive des pucerons.
Mais elles survivent.
Avec un peu de soin et d'attention... Seraient-elles plus heureuse dans un jardin ? Peut-être. Elles ne comprennent pas le privilège d'être à deux pas des amis, des musées, du ciné, des bibliothèques. Quand les privilèges perdent de leurs attraits, je m'éloigne quelques jours.
Avec les années de vie à Paris, les jours deviennent des semaines, et parfois, à mon retour, les privilèges ressemblent quand même à un marché de dupes....