Au lit au Moyen Âge

Par Richard Le Menn

Photographies 1 et 2 : 'Dame recevant depuis sa chambre'. Illustration de Histoire de Renaut de Montauban, Flandre, XVe s. Paris, © Bibliothèque de l'Arsenal, manuscrit n° 5072 Res., folio 202 verso.
Jusqu'au XVIIIe siècle le lit est un lieu de 'sociabilité' important. Durant l'Antiquité on y dort, se repose, banquette, mange, boit, discute … D'importants dialogues de Platon se font sur des lits. On continue de recevoir couché jusqu'au XVIIe siècle. J'en parle dans mon article sur Les Précieuses et les femmes de lettres. La ruelle, c'est à dire la petit rue qui longe le lit, est un lieu d'apprentissage du dialogue antique que la philosophie courtoise poursuit. C'est là que les fondements du 'savoir vivre' sont initiés. De la ruelle on passe au XVIIIe siècle à la table de toilette et de celle-ci au monde … au 'grand monde' comme on le dit entre autres au XIXe. Entre l'Antiquité et le siècle des Lumières il y a le Moyen âge où le lit occupe une place tout aussi importante. La première photographie semble accréditer le fait que les dames reçoivent dans leur chambre : dans la ruelle, bien avant le XVIIe siècle. Du reste le lit (en particulier le lit de jour) se prête tout à fait à cela. Il s'agit d'une pratique issue de l'Antiquité qui n'est pas propre à l'Occident mais aussi à l'Extrême Orient (voir les représentations du Bouddha Shakyamuni couché). Dans la photographie suivante c'est le roi qui réceptionne dans sa ruelle dans un lit qui est sans doute un meuble d'apparat et l'ancêtre du 'lit de jour'.
Photographie 3 : Illustration de Dialogues de Pierre Salmon et Charles VI. France, début du XVe s. Paris, © BnF, manuscrit français n° 23279, folio 19. Ici le roi Charles VI reçoit couché. A noter les poulaines (chaussures à bouts pointus) de celui-ci (les protagonistes de la première photographie en portent aussi mais un peu moins longues et pas décorées comme ici), son habit noir brodé aux fils d'or de textes et figures, ainsi que les chapeaux 'en turban' qui sont à la mode à cette époque.
L'exposition Au lit au Moyen Âge, qui se déroule jusqu'au13 novembre 2011 à Paris dans la Tour médiévale de Jean sans Peur, nous offre à l'aide d'un parcours photographique quelques informations sur sa fonction. On peut ainsi y lire : « Au XVe siècle, les grands procès sont jugés par le roi dans un lit de justice, espace surélevé à l’intérieur d’une clôture. Son trône est surmonté d’un dais et entouré de tentures, à l’image d’un lit, d’où le terme de lit de justice. C’est également allongés sur un lit que les grands donnent audience à leurs proches et alliés, astreints à demeurer debout. Paradoxalement, être couché est le signe d’un statut supérieur. Dans la chambre de parement, pièce destinée aux fonctions officielles, un lit d’apparat est dressé. Ce meuble de prestige est exposé aux yeux des visiteurs, sans qu’il en soit fait usage. Dans les cours royales et princières, il est de dimensions extravagantes, comme en témoigne la description d’une couverture de fourrure appartenant au roi Charles V (1364-1380) et dépassant les 38 m2 ! » Souvent on naît et on meurt dans le même lit. « Les défunts sont inhumés cousus dans leur linceul, à savoir le drap de leur lit, puis couchés dans la terre jusqu’à la consommation des temps. Le christianisme médiéval veut que les chrétiens soient enterrés couchés sur le dos, face tournée vers le ciel. L’assimilation entre le sommeil et la mort est profonde : la tête du défunt est posée sur un oreiller.  » Le lit est donc un lieu de passage à la vie, à la mort, au rêve, au réveil, à l'autre. C'est un endroit particulièrement propice à la féérie, au plaisir, à la convalescence et au repos, ainsi qu'un endroit protecteur dans lequel on est au chaud ...  C'est donc tout un monde.
Photographie 4 : 'Un beau rêve : Dame Nature et ses oiseaux'. Livre des échecs amoureux, France, fin du XVe siècle, Paris, © BnF, manuscrit français n° 9197, folio 13. Voici ce que dit la Bibliothèque nationale de France au sujet de cet ouvrage : « Composé en prose par Évrart de Conty vers 1400, le Livre des échecs amoureux se présente comme le commentaire d'un poème allégorique inspiré du Roman de la Rose. Utilisant la symbolique des dieux antiques et du jeu d'échecs, Évrart de Conty relate le parcours initiatique d'un jeune prince, "l'Acteur", et traite ainsi "des mœurs et du gouvernement de la vie humaine". Au terme de sa quête, l'Acteur rencontre une jeune demoiselle avec laquelle il prend place autour de l'échiquier symbolique. À chacun des partenaires sont attribuées des pièces représentant autant de qualités ou de comportements relatifs à l'amour courtois. Chef-d'œuvre de l'enluminure flamande du XVe siècle, ce manuscrit comprend vingt-quatre peintures, œuvre du Maître d'Antoine Rollin. » Douze sont visibles ici et les autres ici.
Quelques lits : grecs 1, 2 et 3 ;  d'amour charnel durant l'antiquité ; au XVe siècle 1, 2, 3 (à noter la coiffure) et 4 ; de naissance ; d'une chambre de Louis XIV ; d'une chambre ou d'un boudoir du XVIIIe siècle ; de plaisir au XVIIIe siècle ; à l'antique en 1800 ; du XIXe siècle. Pour les différents modèles de lits voir proantic.com.
Photographie 5 : 'Un lit de parade géant'. Vie et miracles de monseigneur Saint Louis, France,  1480, Paris, BnF, ms. français 2829, folio 3 représentant l’auteur remettant son ouvrage au cardinal de Bourbon.

© Article LM