Plusieurs millions d’euros pour rassembler les jeunes catholiques du monde en Espagne, dont une bonne part de fonds publics : dépenses engagées pour assurer le service d’ordre, la sécurité sanitaire, l’aménagement et le nettoyage des sites, les transports des groupes vers les lieux de grande concentration, puis les en évacuer… sans compter tous les autres coûts directs et/ou indirects d’une telle manifestation. Voilà qui a de quoi surprendre, voire révolter dans un pays en détresse sociale et à un moment de grandes difficultés politico-économiques.
Voilà qui aurait de quoi surprendre et révolter dans n’importe quel pays et à n’importe quel moment, fût-il plus heureux et serein !
Car…
Dans toute société honnêtement gérée, les fonds communs doivent être utilisés dans l’intérêt commun, à l’exclusion de toute attribution communautaire ou partisane !
Dans toute société démocratique, les fonds publics issus de la contribution de (presque) tous les citoyens (les plus riches sont généralement hors jeu fiscal – voir en France !) devraient être exclusivement orientés vers des besoins inhérents au service public, qu’ils soient alimentaires, éducatifs, de santé, de défense, ou d’aménagement du territoire…
Dans toute société laïque, les fonds publics doivent permettre l’accueil et l’épanouissement de toutes et de tous, indépendamment de leurs choix philosophiques, religieux, et/ou de vie !
Or, que constatons-nous avec cette grande foire missionnaire espagnole ?
Une communauté militante internationale s’invite dans un pays aux seuls fins de faire rayonner sa « foi », sa vision dite « chrétienne » du monde, de faire croire que sa vérité est LA Vérité, et fait supporter par ce pays une bonne part de ses frais de réception.
Insupportable !
Si, en outre, nous nous interrogeons sur la nature même de ces « JMJ », que remarquons-nous ?
Présentée comme le rassemblement des jeunes du monde « Journées Mondiales de la Jeunesse » la manifestation trompe dès l’annonce par son appellation même car, voulue, présidée, animée par le Pape en personne, encadrée par l’épiscopat et le clergé romains, elle est « Journées Mondiales de la Jeunesse Catholique ». La volonté de récupération de l’ensemble des jeunes du monde par une communauté agissante est, elle aussi, insupportable ! Elle donne à penser à celles et ceux qui n’y convergent pas, ou qui ne partagent pas l’enthousiasme pour une telle foire, qu’ils ne sont pas de la jeunesse du monde ! Le sentiment d’exclusion ainsi généré chez les moins concernés participe de la démarche missionnaire à l’origine de l’évènement. Insupportable !
Et puis…
Pour en revenir à l’aspect comptable :
Les organisateurs et leurs vassaux nous expliquent que les pèlerins eux-mêmes paient leurs frais, qu’une partie du reste des dépenses est financé par des mécènes privés (que ne donnent-ils cet argent aux affamés de Somalie !), et que -argument de très grand poids-, ce rassemblement rapportera à la ville de Madrid et à l’Espagne beaucoup plus qu’il ne leur aura coûté. Manipulation ! Car il offre des affaires en or aux marchands de bondieuseries, aux vendeurs de chemisettes coton à l’effigie du Pape, aux pâtissiers créateurs de gâteaux décorés d’un souverain pontife en sucre, aux hôteliers et loueurs d’hébergement divers… aux marchands seulement qui vont pomper dans les finances publiques, et les poches de pauvres crédules qui seront ainsi doublement ponctionnés !
Que font alors les pèlerins de la Parole christique ? Que font celles et ceux qui, bannières au vent (y compris nationales) et cantiques aux lèvres défilent dans les rues sous des fenêtres pas forcément convaincues, de cet exemple donné par Jésus le jour où, violemment, il chassa ces mêmes marchands du Temple ? Ce reniement de leur sacré originel relève aussi de… l’insupportable !
Croire n’est pas affaire de paëlla géante, de boisson gazeuse à la cocaïne répandue à flots, de confessions à la chaîne ou de portraits en sucre ! Croire relève de l’intime, de l’intime seul ! Tout le reste n’est que volonté avouée ou pas de… prise de pouvoir sur l’autre !
Les êtres d'Esprit le savent qui, à l'agitation collective et aux excès de la foule, préfèrent la remise en question permanente de ce qu’ils sont et de ce qu’ils font (l’examen de conscience quotidien), la lecture libre des textes fondateurs, et… le silence !
Quant au Temple…
Je préfère, aujourd’hui, penser à celui de Charles Baudelaire (Les Fleurs du mal) :
La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles ;
L’homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l’observent avec des regards familiers.
Méditons !