Les pilotes de JetBlue refusent de se syndiquer
Confirmant un choix qu’ils ont déjŕ fait précédemment ŕ plusieurs reprises, les pilotes de la compagnie américaine JetBlue ont voté pour le maintien de leur liberté ŕ l’écart de l’ALPA, le syndicat des personnels navigants techniques américains. Parmi les 2.109 pilotes de l’entreprise, une majorité nette s’est dégagée au profit de ce qu’il est convenu d’appeler la Ť non-unionization ť. Un choix sans surprise, vu les antécédents, mais qui n’en retient pas moins l’attention.
JetBlue, en effet, est une compagnie jeune, qui a fęté récemment son dixičme anniversaire, et qui, de ce fait, ne dispose pas encore d’une culture d’entreprise forte qui reposerait sur de longues traditions. En revanche, la direction (issue de Southwest Airlines) a imposé trčs vite un style, une maničre de faire, qui a donné naissance ŕ un dialogue social qui apparaît tout ŕ la fois sympathique et bon enfant. La réalité est néanmoins plus nuancée et utilise des arguments qui, pour l’essentiel, ne seraient pas transposables en Europe. Reste ŕ prendre en compte l’état d’esprit qui les situe ŕ mille lieux de ce que nous sommes habitués ŕ entendre.
Dave Barger, directeur général de JetBlue, souhaitait ouvertement que les pilotes de la compagnie n’adhčrent pas ŕ l’ALPA, Air Line Pilots Association, essentiellement, avait-il déclaré avant les récentes élections, pour préserver le modčle culturel existant. Lequel, avait-il rappelé, est basé sur la collaboration, et non pas la confrontation, avec une communication directe entre les deux parties. L’ALPA, syndicat fort, le seul qui représente les pilotes de ligne américains, ne l’entendait pas de cette oreille et a désespérément tenté de convaincre ses collčgues de JetBlue de rentrer dans le rang, de choisir la voie syndicale.
Ils ont déployé ders trésors de persuasion, alimenté un site dédié, baptisé JetBlue ALPA Organinizing Committee, donné la parole ŕ des membres qui ont aligné les arguments, montrant comment un syndicat fort peut défendre efficacement les intéręts de ses adhérents. Ils ont aussi cité les exemples de compagnies dont pilotes et dirigeants bénéficient de relations constructives, paisibles, sans que la syndicalisation ne poser problčme, bien au contraire. Rien n’y a fait.
JetBlue n’évolue pourtant pas sur un petit nuage rose. Elle aussi a connu des moments difficiles, pour cause de conjoncture économique fragilisée, elle a dű prendre des mesures correctives et, notamment, reporter la livraison d’un certain nombre d’avions ŕ des jours meilleurs pour éviter une progression excessivement rapide de sa capacité offerte. Mais elle a aussi commandé quarante A320 NEO, décision qui témoigne d’une grande confiance dans l’avenir. JetBlue est une low cost, basée ŕ New York, qui a curieusement fait le choix de rejoindre l’IATA, a réalisé l’année derničre un chiffre d’affaires de 3,7 milliards de dollars, en progression de 14,8%.
Personne n’oserait avancer l’idée que des pilotes européens, voire français, devraient s’inspirer du choix de leurs collčgues de JetBlue. En revanche, il y aurait peut-ętre des leçons ŕ tirer en matičre d’état d’esprit, cette maničre de dire et de faire étant éloignée de la culture de la grčve chčre au SNPL (dont l’appellation complčte est SNPL ALPA France) et ŕ ses satellites, Alter, R’Way et SPAF. Mais il y a lŕ des valeurs partagées qui supposent des conditions rarement réunies. On s’en rend mieux compte en constatant que les dirigeants de JetBlue ont mis en place une stratégie de mécénat exceptionnellement forte et distribuent des aides financičres ŕ non moins de 700 associations culturelles et autres.
Evitons soigneusement de jouer la provocation et ne disons pas qu’il s’agit peut-ętre d’un exemple ŕ suivre. En revanche, il y a peut-ętre des leçons ŕ tirer de cet exemple new-yorkais, surtout dans les moments qui appellent l’apaisement, comme il s’en produit de temps ŕ autre de ce côté-ci de l’océan.
Pierre Sparaco-AeroMorning