Magazine Société
J’ai beaucoup de mal à le croire. Allain Leprest nous a quittés. Il s’est donné la mort à Antraigues, le village de Jean Ferrat qu’il connaissait. Il n’avait que 57 ans. Il s’est donné la mort mais tôt ou tard la mort se serait donnée à lui.
Il s’est abrégé une souffrance cancéreuse qui ne cessait de peser sur le lit de ses mots, sur le fil de sa voix, rocailleuse mais si émouvante.
Allain Leprest nous a quittés mais il nous laisse une œuvre ! Des textes incomparables qu’il me sera permis de réécouter par la voix de Romain Didier avec qui il a composé de très belles chansons. Je vais me repasser quelques perles de Enzo Enzo car, dans leur écrin, elles se parent aussi de la poésie d’Allain.
Allain a écrit pour tant d’artistes et l’homme s’est vu récompenser par le Grand Prix des Poètes de la Sacem. Alors, il n’avait cure de ne pas être reconnu par Drucker, de ne pas se faire cirer les pompes par des présentateurs médiocres sous le feu de caméras dérisoires.
Leprest volait ! Il survolait tout ce petit microcosme de pseudo-vedettes, de m’as-tu-vu suffisants. C’était un astre lumineux que Nougaro qualifiait comme « un des plus foudroyants auteurs de la chanson française ».
Leprest en terre ! Je n’ose y croise ! Le prestataire de la chanson française ! Le digne héritier de Brassens, de Ferré…
Leprest est parti. Antraigues pleure une seconde fois. Mais les chansons survivent !
Et les amis te reconnaîtront…
Cet Allain là avait deux ailes
Pour mieux voler parmi les mots
Les admirer au fil de l’eau
De sa poésie d’aquarelle.
Arrimées à de douces notes
Ses proses exhalaient la beauté
L’éclat des rimes ciselées
De l’émotion qui se sirote.
Leprest, le prestige modeste
Par la Sacem auréolé
Mais cathodiquement boudé
Sans plus d’amertume funeste.
Leprest.idigitateur né
Pour transfigurer en chanson
La mélodie du compagnon
Aux deux prénoms : Romain Didier.
De beaux concerts contre un cancer
Mots tant moteurs contre tumeur
Mais la camarde au chant d’auteur
Le dernier mot aura donné.
D’Antraigues part une belle âme
Dans la nuée de Jean Ferrat
Mais le clocher sonne le glas
Des poésies au cœur de flamme.
Leprest a terminé sa voie
En nous léguant chansons à naître
Mais se donnant de tout son être
Le prestataire minait sa voix…
Repose en paix grand flamboyant
Prince audacieux de l’écriture
Quand tant d’esprits jouent l’imposture
Sur quelque dérisoire écran.
Repose en paix beau troubadour
Tu vas connaître la retraite
Dans un soleil qui te projette
L’ombre joyeuse de l’amour.