S’il est de coutume de diviser en deux le monde des sondages : les sondages publiés, minoritaires, et les sondages confidentiels, souvent considérés comme plus stratégiques, l’Eurobaromètre a ceci de particulier qu’il est intégralement publié, même quand il pose des questions qui ressemblent de très près à celles que commanderait une entreprise ou une administration à des fins internes. Ainsi, depuis 2007, la Direction de la Communication de la Commission Européenne publie le « Parlemètre » : une étude issue de vagues d’Eurobaromètres standard mais dont certaines questions touchent à l’image du Parlement Européen en tant qu’institution. Le dernier Parlemètre en date a été publié en février 2011 ; l’occasion de se plonger dans une partie des outils dont l’Union et ici le Parlement disposent pour appréhender et améliorer son positionnement et sa communication. Autrement dit : une étude d’image.
Délits d’Opinion, en partenariat avec Euros du Village, décrypte les résultats de cette étude.
Des élections européennes qui fondent un souvenir du Parlement sur le long terme
En novembre/décembre 2010, six Européens sur dix (59%) disent avoir récemment entendu parler du Parlement Européen dans la presse, sur internet, à la radio ou à la télévision. Une proportion qui marque une baisse de trois points entre le début et la fin d’année 2010. Cependant cette légère baisse doit être remise en perspective : d’une part le souvenir médiatique du Parlement mesuré en janvier/février 2010 se fondait au moins partiellement sur les élections européennes de juin 2009, tandis que l’année 2010 n’a pas été marquée par un évènement de telle ampleur pour le Parlement tout spécifiquement.
D’autre part, cette proportion reste considérablement plus élevée qu’avant ces élections : le souvenir médiatique du Parlement est minoritaire dans les mesures réalisées en débuts d’années 2009 (36%), 2008 (44%) ou 2007 (42%). De sorte que ces élections peuvent être considérées comme un évènement fondateur dans l’opinion pour le Parlement, qui fonderaient une réminiscence majoritaire à l’échelle sur le long terme (les prochaines vagues nous permettront de valider ou d’invalider cette hypothèse).
Le souvenir publicitaire du Parlement varie considérablement selon les pays : un écart de 36 points est observable entre la tête de classement : la Slovénie (- 78%) et la lanterne rouge : la France (42%). Certaines évolutions nationales sont marquantes : +17 points (76%) en Irlande (durement frappée par la crise au moment de l’étude), -24 points (61%) en Bulgarie (la mesure du début de l’année 2010 y coïncidait avec “l’affaire Jeleva »). D’autres évolutions peuvent être notées, très corrélées à la présidence de l’Union Européenne : -13 points (69%) en Suède (qui passait fin 2009 la main à l’Espagne après 6 mois de présidence), -10 points en République Tchèque (qui avait elle-même transmis la présidence à la Suède). En revanche l’impact de la présidence semble beaucoup plus marginal en Espagne (67%, -5) ou en Belgique (65%, +2), deux pays qui ont présidé l’Union en 2010.
Un niveau d’information subjectif faible et décorélée du souvenir
Si le souvenir du Parlement Européen dans les médias a remarquablement augmenté au cours des dernières années, on ne saurait en dire autant d’une autre variable fondamentale : le niveau d’information. Fin 2010 sept Européens sur dix (69%) se disaient mal informés sur les activités du Parlement, contre trois sur dix qui se disaient bien informés (28%). Des proportions stables par rapport au début d’année 2010 (respectivement 68% et 30%) et légèrement améliorées par rapport à 2007 (73% contre 24%) et 2008 (73% contre 23%).
Phénomène remarquable : on n’observe aucune corrélation au niveau national entre le souvenir médiatique et le sentiment d’information : les pays dont les citoyens se souviennent davantage avoir entendu parler du Parlement ne sont pas ceux où ils se disent le mieux informés, et inversement.
La proportion de citoyens se disant bien informés sur les activités du Parlement est minoritaire dans l’ensemble des pays de l’Union. Elle varie cependant du simple au double : en France ou en Espagne, à peine un cinquième des répondants s’exprime en ce sens (21% et 19% respectivement, en baisse de 4 et 9 points), tandis qu’on s’approche de la majorité en Slovaquie (45%, +3), à Malte (43%, +3) ou en Irlande (43%, +2).
Un flou persistant sur le fonctionnement du Parlement
Et de fait, les citoyens européens ne se montrent pas particulièrement à l’aise quant au fonctionnement du Parlement, laissant penser qu’ils jugent correctement leur degré d’information. Interrogés sur la manière dont les députés européens siègent au Parlement, seule une courte majorité relative (42%) pense qu’ils siègent selon leur affiliation politique, contre un gros tiers (38%) qui pensent qu’ils siègent selon leur nationalité et un cinquième (20%) qui ne savent pas répondre.
On notera cependant que si ces proportions sont stables en 2010 (43%, 39% et 18% respectivement en début d’année), la tendance est positive sur le long terme : en 2007, seul un tiers des Européens (33%) répondaient correctement, soit une augmentation de 9 points en 4 ans.
Meilleurs élèves : les citoyens des Pays-Bas (61% donnent la bonne réponse), les Belges (60%), les Suédois et les Estoniens (59%). Alors que moins d’un tiers des Italiens (32%), des Grecs (32%) ou des Tchèques (26%) sont capables de faire de même.
Une image particulièrement clivée
Dans ce contexte d’un souvenir médiatique accru du Parlement Européen mais d’un flou persistant sur son activité et son fonctionnement, la chambre des députés européens bénéficie d’une image stable mais en demi-teinte, dans son rapport au peuple tout d’abord. En effet, le Parlement, élu au suffrage universel direct depuis 1979, est bien considéré comme “démocratique” (63% considèrent que ce terme le décrit bien contre 24%). Mais pour autant, seuls un tiers des répondants considèrent qu’il “écoute les citoyens européens “(35% contre 40%). De même, son fonctionnement laisse les Européens dubitatifs : si une courte majorité relative rejettent le qualificatif d’”inefficace” à son sujet (40% contre 38%), une autre courte majorité relative (42% contre 39%) ne le considèrent pas “dynamique”.
Le jugement de l’opinion européenne sur le Parlement est donc particulièrement clivé ; un phénomène qu’entretient le défaut d’information susmentionné, et qui s’incarne dans les fluctuations du souhait sur le rôle que doit jouer le Parlement.
Des raisons de s’inquiéter
Fin 2010 la moitié (52%) des Européens souhaite qu’à l’avenir il joue un rôle plus important, en baisse de 3 points sur un an mais en hausse de 4 points sur 4 ans. Dans le même temps la proportion d’Européens qui souhaitent lui voir jouer un rôle moins important n’a pas cessé de s’accroître, passant de 12% à 22%. De sorte qu’à mesure que l’information sur le Parlement se diffuse (28% se disent bien informés fin 2010 pour 24% fin 2007), taux de “sans opinion” et de “le même rôle que maintenant” décroissent (10% et 16% respectivement, en baisse de 8 et 6 points), et le jugement se structure, semblerait-il dans un sens défavorable au Parlement.
La solidarité comme cheval de bataille ?
Quelles pistes doit suivre le Parlement pour gagner les cœurs des citoyens européens ? Le podium des priorités que ces derniers lui assignent varient peu : la protection des droits de l’homme tout d’abord (60%, -2 points en un an), la liberté d’expression et l’égalité hommes-femmes ensuite (36%, stable). En ces temps de trouble économique, une priorité émerge davantage dans cette vague : la solidarité entre Etats membres, dont les citations augmentent de cinq points de pourcentage (35%).
Une montée en puissance de la préoccupation de solidarité que l’on retrouve aussi dans l’opinion sur les politiques que devrait promouvoir le Parlement au niveau européen : 52% des citoyens de l’UE souhaitent qu’il s’attaque en priorité à la pauvreté et à l’exclusion, en hausse de 8 points en 2010, loin devant la protection des consommateurs et de la santé publique (33%, -2) ou la lutte contre le terrorisme (28%, -6).