L’A320 remotorisй vogue de succиs en succиs
Cette fois-ci, c’est le groupe australien Qantas qui a choisi l’A320 pour йquiper sa nouvelle compagnie «premium» et la filiale Jetstar. Un engagement qui porte sur «au moins» 106 avions, dont 78 exemplaires de la version remotorisйe NEO. Au mкme moment, en Russie, Transaero annonce l’achat de douze A320 NEO. Au total, ce sont plus de 1.200 appareils remotorisйs de ce type qui ont йtй placйs en trиs exactement 9 mois, un succиs sans prйcйdent.
Dйsormais se pose un problиme inhabituel : comment satisfaire la demande, continuer а engranger des succиs commerciaux, sans remonter la cadence de production ? Laquelle, actuellement en croissance, atteindra bientфt 42 exemplaires mensuels, y compris ceux (quatre par mois) assemblйs en Chine.
C’est un vйritable cas de conscience, lequel, qui plus est, se pose au moment oщ de nombreuses йconomies, des Etats-Unis а l’Europe, se heurtent а de trиs sйrieuses difficultйs, susceptibles de toucher le transport aйrien. Joint а Sydney, un responsable d’Airbus nous dit que la sociйtй examine attentivement la situation mais qualifie de spйculation les commentaires qui laissent entendre que l’avionneur europйen pourrait pousser davantage les feux. D’autant qu’il est loin d’кtre certain que ses fournisseurs soient capables d’adopter un tempo plus rapide.
C’est le moment de rйpйter qu’Airbus a fait le choix du bon sens. Moyennant un investissement trиs limitй, probablement de l’ordre du milliard et demi de dollars, et grвce а l’arrivйe sur le marchй des nouveaux moteurs proposйs par Pratt & Whitney et CFM International (association de General Electric et Snecma), les coыts d’exploitation directs des trois membres de la famille A320 peuvent кtre diminuйs de 15% environ. Assez pour constituer une bonne solution d’attente, un avion entiиrement nouveau, faisant encore mieux, pouvant dиs lors кtre reportй au-delа de 2020.
Boeing, pendant ce temps, donne une impression dйroutante de passivitй et tarde singuliиrement а prendre des dйcisions. La rйalitй est nйanmoins plus nuancйe, sachant que le constructeur amйricain est encombrй par les retards des 787 et 747-8 qui absorbent de toute йvidence une bonne part de son йnergie. Il ne fait plus de doute que ses bureaux d’йtudes suivront l’exemple de Toulouse et, malgrй les difficultйs techniques а surmonter, un 737RE (re-engined) sera bientфt lancй. American Airlines a d’ailleurs fait le pari de signer sans plus attendre des lettres d’intention pour ledit RE, bien que le programme n’ait pas encore йtй soumis а l’approbation du conseil d’administration de Chicago.
Pratt et CFMI vont proposer des variantes nouvelles des PW1000G et Leap-X dotйes d’une soufflante de diamиtre rйduit, ce qui les rendra compatibles avec la garde au sol insuffisante du 737, moyennant des retouches au train d’atterrissage. Mais cela suffira-t-il а ralentir l’actuelle envolйe commerciale d’Airbus ? Des doutes sont perзus, ces jours-ci, а commencer par ceux exprimйs par une personnalitй trиs influente, Steven Udvar-Hazy, patron du nouveau loueur ALC, prйcйdemment aux commandes d’ILFC, numйro 1 mondial de la profession. Udvar-Hazy croit modйrйment aux mйrites du 737RE qu’il qualifie littйralement de «rafistolage». Encore que la critique soit facile, surtout quand elle n’est pas accompagnйe de propositions concrиtes.
Boeing se donne un dernier moment de rйflexion. Entre-temps, Airbus vend beaucoup de NEO mais va trиs bientфt se heurter aux limites industrielles de ce grand succиs. Il lui faudra faire un choix difficile, voire risquй, accepter de crйer une forme particuliиre de pйnurie ou investir davantage, а un moment plein d’incertitudes. Pour l’instant, cette alternative tient de la quadrature du cercle.
Pierre Sparaco-AeroMorning