Quel roman ! Je l'avais à peine ouvert qu'il m'a ensuite été impossible de le lâcher. Il se lit en une goulée, tant il nous captive dans la descente aux enfers de son héroïne. Amanda, une architecte new-yorkaise d'une trentaine d'années, mène une vie heureuse et comblée... jusqu'au jour où un rêve étrange la surprend en train d'être embrassée par une autre femme, très belle et irrésistible. Dans les jours, puis les semaines, qui vont suivre, rien ne sera plus pareil dans son existence. Petit à petit, le doute s'immisce. Des bruits venus de nulle part résonnent dans son loft. La tension s'installe même au sein de son couple. Amanda ne se reconnaît plus ! Elle agit autrement, répond à des besoins et des pulsions qui ne lui sont pas propres, elle semble étrangère à son corps, ne contrôle plus rien et refuse d'accepter l'évidence : elle est possédée par un démon. Oui, c'est terrifiant, obsédant, cela nous place en position dérangeante, curieux que nous sommes d'assister à cette dualité, de découvrir les agissements troubles de la jeune femme, son combat intérieur, ses questions et ses tentatives de guérison. La chute est dure, lente, douloureuse... et c'est horriblement fascinant. Sara Gran a su cercler son héroïne et son lecteur dans la même valse étourdissante, impossible d'en sortir, d'ailleurs je ne suis pas sûre d'en avoir eu envie.
Viens plus près - Sara Gran
Points, coll. Roman noir, 2011
Dave a un petit souci avec les filles. De ses nombreuses rencontres et relations, ne subsiste qu'une pointe de remords face à son incapacité de garder le contact ou de prendre des nouvelles, parfois à titre sporadique. Et tout le problème vient de là, se rendre compte qu'à l'heure des technologies modernes, le silence et la solitude s'installent de plus en plus. Au risque de tourner au(x) drame(s). C'est ainsi que plusieurs anciennes petites amies de Dave sont retrouvées assassinées, chez elles. Mortes de faim et de soif, ligotées pieds et mains dans le dos. Comment se peut-il qu'on laisse quelqu'un s'éteindre dans son coin, au fil des semaines, sans alerter l'entourage ? Tout simplement parce que le tortionnaire a su manipuler tout le monde en envoyant de faux SMS. A force de circonstances malencontreuses, Dave devient le principal suspect et doit fuir pour échapper à la police, prouver son innocence et sauver une amie, désignée prochaine victime. Bah, quel imbroglio ! Au départ, on ne voit rien venir, on suit le rythme imposé par l'auteur, on digère, on s'interroge, on croit avoir tout deviné dès la page 250, mais on se met le doigt dans l'oeil. L'histoire est sinistre, machiavélique et laisse un goût amer, et c'est ce qui est bien aussi avec ce roman. Il nous laisse une impression de brutalité tout à fait consentie, même si ça gratouille aussi ci et là.
Ceux qu'on aime - Steve Mosby
Points, coll. Thriller, 2010
Au premier coup d'oeil, la couverture et le résumé ne sont guère alléchants. Et pourtant, ce roman noir, plus que noir, est divinement impitoyable, juste et captivant. C'est l'histoire, d'un côté, d'un lieutenant et de son adjoint, deux bras cassés confinés au service des suicidés, et qui commencent à relever plusieurs cas suspects sans véritablement mettre un nom à ce malaise. C'est ainsi qu'ils font la connaissance d'un trappeur franco-américain, appelé à la rescousse pour régler les formalités administratives suite au décès de son ami, un fakir qui s'est vidé de son sang alors qu'il était en représentation. Une mort douteuse, donc. John commence à fourrer son nez dans les affaires louches de son pote, aidé de loin par le lieutenant Guérin, lui-même hanté par ses propres démons liés à une guerre des barbouzes. C'est tout simplement bluffant, ça se lit tout seul, le désespoir des uns faisant presque le bonheur des autres, parce qu'il ne faut pas se voiler la face, l'auteur dresse un portrait attachant de ses personnages, alors même qu'ils ne sont pas parfaits mais tout cabossés, avec des bleus partout. Ce n'est pas joli-joli, c'est au contraire insolite, sombre mais ça le fait. Cela coule tout seul, la fin est terrible mais parfaitement réussie, à sa façon l'auteur a su tirer son épingle du jeu, et ce serait mentir que de ne pas reconnaître qu'on savoure davantage la forme au fond de l'intrigue.
Fakirs - Antonin Varenne
Points, coll. Policier, 2010