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Sarkozy et Merkel inventent le gouvernement économique deux jours par an.

Publié le 17 août 2011 par Juan
Sarkozy et Merkel inventent le gouvernement économique deux jours par an.Elle a donc eu lieu, cette fameuse réunion. Vers 16h, la chancelière allemande est arrivée dans l'enceinte d'un palais en rénovation. Un peu plus tard, la conférence de presse démarrait pour quelques journalistes. Par un curieux sens du planning, cette conférence de presse précédait un « dîner de travail »... Sarkozy était habillé en costume noir, trop grand, chemise blanche et cravate noire. Il avait sa mine des jours sombres et une rage toute contenue.
Quelques heures auparavant, Nicolas Sarkozy avait déjeuné avec son premier ministre François Fillon. Quitte à perdre une journée de vacances, autant l'occuper au mieux.
La veille, le gouvernement allemand avait calmé les ardeurs franco-françaises. Il ne fallait rien attendre d'exceptionnel de cette réunion prévue de longue date. A l'Elysée, on prit le parti de se coucher plutôt qu de d'afficher un quelconque désaccord. Comme Merkel est contre les obligations européennes, Nicolas Sarkozy y est hostile également. C'est ça le leadership ! « Les euro-obligations ne sont pas une réponse adéquate aujourd'hui. Émettre des obligations communes nécessite un degré d'intégration économique et budgétaire entre les pays que nous n'avons pas atteint » avait confié un conseiller élyséen au Figaro.
Sarkozy instrumentalise la crise
La conférence de presse a duré 48 minutes. Sarkozy avait préparé son petit « piège » pour animer le débat politique français. Peu galant, mais puissance invitante, il s'arrogea la parole en introduction.
« Pour tout vous dire, nous avons travaillé d'arrache-pied, pas simplement cet après-midi mais tous ces jours derniers ». Sarkozy avait raison de le préciser. Depuis 3 semaines, son absence estivale, jusqu'à son incroyable ratage médiatique la semaine dernière, a été sévèrement critiquée.
« Je dois vous dire que nous avons entre Allemands et Français une communauté d'analyse et une commune vision de l'avenir. Nous voulons dire notre volonté absolue de défendre l'euro, d'assumer les responsabilités particulières en Europe qui sont celles de l'Allemagne et de la France, et d'avoir sur tous ces sujets une identité de vues entre l'Allemagne et la France complète ». 
La bonne nouvelle, le couple franco-allemand est toujours là. La mauvaise, il n'y a plus de couple franco-allemand. Sarkozy suit Merkel, qui n'est pas en fameuse posture. Mais on a peine à voire, dans la pauvreté des annonces du jour, ce qui ressemblait à cet énorme effort.
Rappelant qu'il y avait dans la situation actuelle, des « éléments objectifs », Sarkozy a aussi dénoncé les « rumeurs et les décisions de spéculations », contre lesquelles, a-t-il rappelé « notre volonté de combattre est totale et complète.» Notez la répétition des termes : « totale et complète ».
Il enchaîna : « nous avons donc décidé un certain nombre de propositions communes qui feront l'objet d'une lettre franco-allemande qui sera adressée dès demain matin au président van Rompuy. » Un prochain conseil européen est prévu... en octobre. Quel sens de l'urgence !
En 5 minutes à peine, Nicolas Sarkozy énonça une à une ces fameuses propositions. La liste était rapide, et presque sans surprise. Elle était incomplète.
1. « Instaurer dans la zone euro un véritable gouvernement économique de la zone euro ».  Quelques journalistes, ce mercredi matin, oublièrent de placer le terme « véritable » dans les guillemets de la citation. « Ce gouvernement économique sera constitué du conseil européen des chefs d'Etats et de gouvernements, il se réunira deux fois par an, et plus si nécessaire, et il élira un président stable pour deux ans et demi ». Et les deux proposent que l'actuel insignifiant van Rompuy rempile. En d'autres termes, Sarkozy et Merkel ont inventé le gouvernement économique deux jours par an.
2. Merkel et Sarkozy souhaitent ensuite que « les 17 membres de la zone euro adoptent avant l'été, ou au cours de l'été 2012, la règle d'or qui consiste à inscrire dans les constitutions des 17 Etats membres la règle montrant que les lois de finances annuelles doivent se soumettre à un objectif de retour à l'équilibre budgétaire». C'est le piège très voyant que Sarkozy continue de tendre à l'opposition. Cette fois-ci, il a mis le paquet. Il se sert d'un sommet d'urgence en pleine crise monétaire franco-européenne pour instrumentaliser l'affaire jusqu'au bout. Les marchés sanctionnent l'indécision politique, la seule mesure que pond le couple Sarkozy/Merkel est une règle de trajectoire budgétaire équilibrée... Quelle décision ! « C'est une règle de bon sens qui doit conduire à la diminution des déficits et la réduction de l'endettement ». Il a également indiqué que Fillon demanderait à tous les partis politiques ce qu'ils en pensent...
Sarkozy passa 3 de ses 5 minutes d'introduction sur ce fameux sujet, insistant plus que nécessaire. La ficelle était si grosse: « un certain nombre de personnalités qui n'appartiennent pas à la majorité ont déjà fait savoir qu'ils étaient favorables à l'adoption de cette règle. Si un consensus est possible, à ce moment-là, je provoquerai à l'automne la réunion du Congrès. Si un consensus n'est pas possible, et bien c'est les Français qui seront juges lors de l'élection présidentielle des forces politiques qui souhaitent le retour à l'équilibre budgétaire et de celles qui ne le souhaitent pas ».
3. « Les ministres des finances allemand et français déposeront sur la table une proposition commune, dès le mois de septembre prochain, de taxe sur les transactions financières. C'est une priorité pour nous », si prioritaire, qu'elle est expédiée en quelques secondes. C'est une arlésienne du débat politique international depuis plus de 35 ans.
4. Pour conclure, Sarkozy promit « d'autres mesures plus spécifiquement franco-allemandes, conscients que nous sommes que l'Allemagne et la France doivent donner l'exemple de la convergence» . Ainsi, en prévision d'un prochain conseil des ministres franco-allemand prévu début 2012, les ministres des finances des deux pays devront proposer des mesures pour que, à partir de 2013, « cinquantième anniversaire du Traité de l'Elysée», l'Allemagne et la France disposent d'un « impôt sur les sociétés commun, dans son assiette comme dans son taux, pour les sociétés allemandes et pour les sociétés françaises».
Cette mesure est surtout symbolique, un affichage de cette convergence si sensible dans l'argumentaire sarkozyen. Les deux n'ont pas précisé ce qu'ils pensaient faire des niches fiscales. Un peu plus tard dans la conférence, Angela Merkel précisa que ni les entreprises allemandes ni les entreprises françaises ne devaient s'attendre à un alourdissement de leur fiscalité sur les bénéfices. Facialement, l'impôt sur les sociétés est plus élevés en France qu'en Allemagne.
Autre mesure technique franco-allemande, au début de chaque semestre, les gouvernements échangeront leurs hypothèses économiques servant à l'établissement de leur budget.
Sarkozy appela cela « marcher d'un même pas pour défendre l'acquis européen ».
Puis Angela Merkel put, enfin, parler. Et ses propos furent partiellement différents de ceux de son hôte. Sarkozy avait les pouces accrochés à son pupitre, et la mâchoire comme souvent contractée par intermittence.
1. Pour Merkel, « la crise actuelle est une crise de la dette ». Aucune allusion ne fut faite à cette « méchante spéculation » qui aurait décidé d'attaquer « injustement » l'euro ou certaines dettes souveraines (dont celle de la France la semaine dernière). Au contraire, « nos propositions visent à reconquérir la confiance des marchés par nos actes. La crise de l'endettement remonte à plusieurs années pour certains pays. » Pour Mme Merkel, les propositions du jour sont davantage « qualitatives » qu'autre chose, « une nouvelle phase qualitative de coopération au sein de la zone euro ».
2. Angela Merkel rappela la convergence franco-allemande sur la règle d'or, « un frein à l'endettement »: « Il faut que les pays de la zone euro s'engagent plus encore pour que les critères de ce pacte soit mis en oeuvre: des budgets équiibrés et une réduction constante de l'endettement ». Au passage, la chancelière indiqua que les Parlements seront invités à faire « preuve d'auto-responsabilité » budgétaire, à savoir qu'ils devront « s'engager à aller plus loin qu'à simplement prendre connaissance » des éventuelles propositions critiques de la Commission européenne, et « qu'ils les mettent en oeuvre ».
3. « Nous voulons que les fonds de cohésion et les fonds structurels européens soient orientés vers un renforcement de la croissance et de la compétitivité ». Merkel indiqua qu'à partir de 2013,  la Commission européenne devrait pouvoir décider de l'utilisation de ces fonds pour les Etats sous programme de soutien.
4. Elle reprit enfin les annonces de Sarkozy (taxe sur les transactions, impot sur les société commun, échanges d'informations pour l'élaboration des budgets « dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance »)
Sarkozy avait bien appris sa leçon
L'une des premières (et rares) questions de la presse porta sur les euro-bonds, jugés inéluctables par les Echos. « J'ai l'impression que les gens cherchent la panacée universelle pour sortir de la crise » fustigea Angela Merkel. Sarkozy compléta: « Si chacun peut faire de la dette individuellement, et qu'on demande aux pays les plus stables de la garantir, qu'allons-nous dire à nos peuples ?? » Qui a dit que Sarkozy était favorable aux euro-bonds ? « La croissance, c'est la clé de tout ».
Sarkozy s'est même emballé, jusqu'à tomber dans un raisonnement complètement  incompréhensible : il faut, a-t-il expliqué, « l'inscription de la règle d'or dans les constitutions pour réduire les déficits, réduire l'endettement, et restaurer la confiance sans laquelle il n'y aura pas de croissance ». Quel rapport avec les euro-bonds ? Et le lien entre la confiance des marchés financiers et la croissance économique, on l'a vu ces dernières années, est bien loin d'être aussi direct et caricatural. Toujours emballé, notre Monarque poursuivit : « Notre réponse n'est pas idéologique, elle est concrète ! Elle est pratique ! Si demain, nous disons, allez voilà, l'Allemagne et la France, nous allons garantir la dette de tout le monde... » (et il se tourne vers Angela Merkel, comme pour montrer qu'il avait bien appris la leçon) «... dans ces conditions, qu'en sera-t-il 6 mois après de la crédibilité de nos pays ? »
Sarkozy n'est plus à une caricature près.
A une autre question sur le Fond européen de Stabilité Financière, Sarkozy répondit qu'il n'était pas question de la doter davantage, à ce stade. Un autre journaliste s'est demandé quelle conséquence un ralentissement de la croissance pouvait avoir sur le financement du FESF. Merkel botta en touche: « Nous devons renforcer notre potentiel de croissance ». Sarkozy fit de même : « Comme la chancelière, je suis confiant sur les perspectives de croissance de la zone euro et du monde. S'agissant de la France, l'acquis de croissance du premier semestre est de 1,4%. »
La croissance, justement, est le sujet d'inquiétude générale. La multiplication des plans de rigueur cause du souci jusqu'au FMI dirigée par Christine Lagarde (sic !). Au dernier trimestre, le PIB de la zone euro n'a augmenté que de +0,2%.
Frédéric Lemaître, du Monde, leur demanda s'ils souhaitaient des sanctions contre les Etats qui n'adopteraient pas la règle d'or ou qui ne la respecteraient pas. Fâcheuse question. Aucun des deux n'y répondit. Mais la non-réponse fut ... longue. Pas téméraire, Sarkozy laissa d'abord Merkel répondre en premier. Notre proposition ... n'est qu'une proposition, expliqua la chancelière. Et de rappeler les motifs à proposer une règle d'or (ou de plomb): c'est « un engagement indépendant des majorités politiques ». Quant aux sanctions, « elles viendraient de l'intérieur, pas de la Commission».
Sarkozy répondit, à son tour, à côté, évoquant « les deux problèmes de la zone euro », la compétitivité d'une part, et l'endettement et les déficits, d'autre part; notamment en France, « depuis 35 ans ». Il répéta ensuite le sens de la fameuse règle d'or, pour conclure: « qui peut bien être contre une règle de cette nature ? » Et les sanctions si la règle n'est pas adoptée ? Sarkozy avait évacué le sujet. « L'euro nous a permis beaucoup de choses. Car nous sommes plus forts ensemble que seuls. Mais l'euro, ce n'est pas simplement des droits... c'est aussi des règles, des devoirs, une discipline... un vivre ensemble qui implique de la solidarité quand ça ne va pas mais qui implique aussi le respect des règles... (...) Par conséquent, si la règle devait être adoptée par les 17, ce que nous souhaitons, ce ne serait pas une règle optionnelle, mais une règle obligatoire
L'homme des 400 milliards d'euros d'endettement supplémentaire depuis 2007 se permet tout. Rappelons-nous le Nicolas Sarkozy de juin 2007, à peine élu, qui allait prévenir la Commission européenne ne respecterait pas son engagement de revenir à moins de 3% du PIB de déficit budgétaire en 2012, un engagement pris... en mars 2007 par le gouvernement Villepin. A l'époque, Sarkozy avait un paquet fiscal à faire passer durant l'été.
A la 39ème minute de cette conférence, le téléphone portable de Nicolas Sarkozy commença à sonner. Le Monarque était en train de discourir sur la convergence économique franco-allemande (« c'est la clé » ). On entendit l'étrange mélodie, tandis que Sarkozy tentait de l'éteindre sans s'interrompre. Pas d'excuse, il conclua rapidement et regarda son téléphone.
Nadège Puljak, de l'AFP, les interrogea sur la création éventuelle d'un ministère commun de l'économie. « En l'état actuel des choses, c'est pas dans le communiqué » commença Sarkozy, avec un gros sourire... « Là encore... vous savez... j'crois qu'il faut prendre les choses dans le bon ordre. C'qu'est envisageable... c'est l'analyse commune, la convergence... dans le respect des identités et des spécificités. Les Allemands et les Français ne sont pas les mêmes.»
A l'issue de cette réunion, l'euro recula encore un peu plus. Ce mercredi, la presse se montrait déçue.
Cette rencontre n'avait convaincu pas grand monde en dehors du clan rapproché de Nicolas Sarkozy.


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