Les murs restent des murs, une porte, reste une porte. Faut toujours demander la permission d'entrer. Sous toutes les latitudes. Impossible de vivre ici. Qui veut du rien, du moins que rien ?
Pourtant y'avait une église encerclée par ce corps de ferme. Le cours d'un ruisseau et son filet d'eau. Une maison-moulin même. Une église et un coq de pierre en son chapiteau, en pleine gloire sur le fronton d'entrée.
Cette église était dédiée à un Saint improbable, peut-être même pas en odeur de sainteté avec la hiérarchie vaticanesque, comme le bon Saint Expédit si cher au coeur des réunionais. Ici, dans ce désert absurde, il s'appelait Saint Zoilo.
Saint Zoilo, Saint Pinocchio, Saint Zavatta... Je prie de toute mon invisible foi pour tous les saints innocents, irrésistibles et comiques.
Les portes ne ferment plus, les murs ne rafraîchissent plus, les toits n'abritent plus. Toute fonction de toute chose, tout objet, a disparu, reste l'absurde, l'étrange, les ronces et les vipères.
Tu marches dans ta vie, tu trouves des murs brisés, des maisons dépossédées, des villages déshabités. Trace du clou, serrure qui croche dans le vide, banc de pierre orphelin du cul fatigué, de la couenne rude qui venait se frotter à lui et au mur de pierre après la journée de fauchaison harassante sur un champ insensé de déclivité vorace. Ici l'homme n'a jamais vécu à plat. Le montagnard est aussi quelque part un marin, ou son cousin... lointain. Aragon, rude terre d'Aragon.