Visiblement, il n’y a pas que les publicitaires pour penser que le Printemps arabe™ est un produit qui peut trouver facilement son public ; les forces de l’ordre algériennes ont signifié à un chanteur tunisien qu’il était désormais interdit de séjour dans leur pays pour cause d’« exportation de la révolution » ! Ce fils d’un homme politique de premier plan (il s’agit du dirigeant du Parti socialiste de gauche, une des nombreuses formations politiques – il y en a désormais une centaine en Tunisie – apparues au grand jour après la chute du régime) est en effet bien connu sous le nom de Bendir Man.
Le bendir, c’est le nom d’une sorte de tambour mais jouer du bendir, cela peut vouloir dire en Tunisie, selon le contexte, faire le lèche-cul ! Apparu en mai 2009, Bendir vivait il y a peu encore au Bendirland, pays « où ne sévissent que la corruption et le totalitarisme, le crime et les malheurs, la pauvreté et le manque »… et où tout était uniformément mauve, la couleur favorite de Ben Ali (qui avait également un faible pour le chiffre 7)… Malgré la censure et l’interdiction de se produire sur scène, c’est par centaines de milliers que ses fans écoutaient ses chansons sur MySpace tout en suivant ses aventures sur internet (à ne pas confondre cependant avec El Bendir, mensuel de BD, unique en son genre en Algérie).
Depuis un certain 14 janvier 2011, Bendir Man a moins de problèmes pour ses concerts, en tout cas dans son propre pays. Il est ainsi apparu aux Nuits de Carthage, en juillet dernier, en compagnie de Baaziz, un chanteur algérien cultivant lui aussi la veine satirique et contestataire. Les deux amis avaient prévu de prolonger leur collaborationavec deux concerts prévus à Alger, la semaine dernière. Inexplicablement, la sono a rendu l’âme au beau milieu du second spectacle (récit dans cet article). Pour le plus grand plaisir du public algérois, Bendir avait tout de même eu le temps de dédier sa chanson intitulée 99% chabaa dimokratia (99% plein de démocratie) aux « dirigeants arabes, comme celui que nous avions en Tunisie, et que vous avez présentement » !
La révolution est passée mais Beyrem Ben Kilani (le vrai nom de Bendir Man) n’a pas l’air de considérer que tout a été dit (et chanté). Il continue à déranger en prenant avec d’autres personnalités publiques la défense de Samir Feriani, fonctionnaire du ministère de l’Intérieur aujourd’hui en prison, et en créant de nouvelles chansons, tel Elli baadou (Au suivant) où il se moque de l’opportunisme de la scène médiatique tunisienne, bien vite conquise aux sirènes révolutionnaires (c’est le sens du T-shirt qu’il porte sur la photo en haut de ce billet : source http://www.webdo.tn).
En plus du blog de 2009 avec le début des aventures de Bendir Man, de très nombreuses vidéos, notamment sur son site Facebook ou (plus anciennes) sur MySpace, ce témoignage visuel, au son épouvantable mais qui restitue bien l’ambiance de folie, sur Archives de la révolution tunisienne, un site aussi utile qu’intéressant.
J’ai eu beau chercher, je n’ai pas trouvé de liens pour les paroles, pas plus en arabe qu’en français… Si quelqu’un peut faire mieux !