Premier livre de la rentrée que j’ouvre, Exit le fantôme de Philip Roth. Pour tout dire, je le reprends une nouvelle fois. J’avais commencé à le lire il y a quelques mois, puis je ne sais pour quelle raison, je l’ai mis de côté, pour un autre certainement. Hier je l’ai repris. Quel plaisir de retrouver dans cette autofiction l’humour fin de l’auteur, je dirais dérision ou autodérision, selon qu’on pense que le narrateur est l’alter ego ou non de Roth. Un vrai plaisir. Tout y passe, la santé, la vieillesse, la société de consommation, l’insignifiance des chroniqueurs littéraires qui ne s’intéressent pas à l’écriture, mais à ce qui a autour.
Au journal Le Monde qui lui demandait si on vivait « la fin de l’ère littéraire » P.Roth a cette réponse : « Oui, je pense que, désormais, les gens qui lisent et écrivent sont une survivance, presque des fantômes. Certes, il y a encore quelques personnes qui lisent vraiment, mais elles sont rares. Lire ce n’est pas acheter des livres et tourner les pages. Lire demande une très singulière concentration. Alors il est plus facile de renoncer et de s’amuser avec tous les gadgets technologiques qui existent aujourd’hui, toutes les distractions auxquelles on peut avoir accès sur son ordinateur, son iPhone, etc. »
Voici un extrait du livre :
« J’entrais dans l’appartement, un appartement étroit aux pièces en enfilade dont les deux pièces intérieures – un bureau et, derrière une ouverture en arc de cercle, une cuisine– n’avaient pas de fenêtre. Sur le devant, au dessus de la circulation de la Première Avenue et du restaurant, il y avait un petit living avec deux fenêtres grillagées et à l’arrière une pièce encore plus petite avec une seule fenêtre grillagée, la pièce elle-même ne pouvant contenir qu’une table de nuit et un lit étroit. Trois fenêtres. Dans la maison campagnarde de Lonoff dans les Berkshires, il devait y en avoir deux douzaines qu’on n’avait jamais besoin de verrouiller.
La chambre donnait sur une colonne d’aération et, en bas, sur une petite ruelle où l’on remisait les poubelles du restaurant. Des toilettes, découvris-je, se trouvaient dans une pièce de la taille d’un placard de l’autre côté d’une porte près de l’évier de la cuisine. Une petite baignoire juchée sur des pattes d’aigle était posée dans la cuisine, encastrée entre le réfrigérateur et la cuisinière. Comme le devant de l’appartement était bruyant à cause des bus, des camions et des voitures qui fonçaient sur la Première Avenue et que l’arrière de l’appartement était bruyant à cause du vacarme incessant de la cuisine du restaurant dont la porte restait ouverte toute l’année pour la ventilation, Amy nous emmena nous asseoir dans le calme relatif de son bureau sombre, au milieu des piles de papiers et de livres qui encombraient les étagères le long des murs et s’entassaient au pied de la table de cuisine en Formica qui faisait office de bureau. La lampe posée sur le bureau fournissait le seul éclairage de la pièce. C’était une bouteille haute et large, brunâtre, semi-transparente, pourvue d’un fil électrique relié à une ampoule et surmontée d’un abat-jour plissé comme un éventail et ayant la forme d’un grand chapeau de soleil. Je l’avais vue pour la dernière fois quarante-huit ans plus tôt. »
(Philip ROTH - Exit le fantôme- ed Gallimard 2009, 327 pages)
Bonne lecture
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