David Cameron a une théorie aussi simple que solide pour expliquer les émeutes qui ont agité la Grande-Bretagne la semaine dernière. Le Premier ministre britannique a évoqué le 15 août "l'effondrement moral à petit feu" de la société britannique et désigné les fautifs : "les enfants sans père, les écoles sans discipline, les récompenses accordées sans effort". La liste mériterait pourtant d'être complétée.
Le jeune Premier ministre britannique illustre parfaitement le proverbe selon lequel on voit plus facilement la paille dans l'oeil de son voisin que la poutre dans le sien.
David Cameron pose un bon diagnostic : réparer ce qu'il définit comme la "broken society", la société cassée, mais il omet de s'attaquer aux racines du mal : un capitalisme financier amoral, coupé de la vraie vie, qui produit de fortes inégalités et suscite, par l'avidité et la cupidité qu'il porte, une généralisation de la corruption.
Si la Grande Bretagne est aujourd'hui malade, c'est de s'être abandonnée corps et âme aux dieux de la City et de s'être choisie une nouvelle aristocratie où les quartiers de noblesse ont été remplacés par le nombre de millions sur le compte en banque.
Ed Miliband (42 ans), le nouveau chef des travaillistes, a pour sa part balayé devant sa porte. Il rejette les années Blair et le New Labour et prône le retour au Labour traditionnel. Un positionnement à gauche qui lui a valu le qualificatif de "Red Ed" (Ed le Rouge). Si le l'opposition travailliste a condamné avec fermeté les émeutes, elle dénonce les réponses simplistes et toutes faites du gouvernement.
Le Labour estime que le "comportement malade" n'est pas confiné au sous-prolétariat et souligne la déviance de toute une société, des banquiers "goulus, égoïstes et immoraux" jusqu'aux députés qui ont "magouillé leurs notes de frais". Pourtant, le Labour lui-même est profondément miné.
Dans le quotidien The Telegraph, Peter Oborne pique un coup de sang devant le deux poids deux mesures d'une classe politique britannique atteinte de cécité partielle. "Je crois que la criminalité dans nos rues ne peut pas être dissociée de la désintégration morale dans les plus hauts rangs de la société britannique moderne. Les deux dernières décennies ont vu une baisse terrifiante dans les normes de l’élite britannique au pouvoir. Il est devenu acceptable pour nos politiciens de mentir et de tricher. Une culture quasi universelle de l’égoïsme et de la cupidité a grandi" écrit-il.
"Ce ne sont pas seulement les jeunes pauvres de Tottenham qui ont oublié qu’ils ont des devoirs ainsi que des droits. Il en est de même pour le sauvage riche de Chelsea et de Kensington" relève le journaliste qui multiplie dans son article l'absence d'exemplarité de la classe politique dans son ensemble qui abuse des notes de frais.
Le député travailliste Denis MacShane stigmatise ainsi le consumérisme des émeutiers alors qu'il dépense 5900 livres sterling pour acheter huit ordinateurs portables passés en note de frais réglée par le contribuable. Idem pour son homologue travailliste, le député Gerald Kaufman qui demande au Premier ministre d’examiner comment les émeutiers peuvent être « récupérés » par la société mais qui n'hésite pas à se faire rembourser 14,301.60 livres sterling dont 8865 livres sterling pour une télévision haut de gamme.
Et Peter Oborne de conclure "La culture de la cupidité et de l’impunité à laquelle nous assistons sur nos écrans de télévision s’étend jusque dans les conseils d’administration des grandes entreprises et à l’intérieur du Gouvernement. Cette culture touche la police et de grandes parties de nos médias. Ce n’est pas seulement sa jeunesse abîmée, mais la Grande-Bretagne elle-même qui a besoin d’une réforme morale".
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