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« J’écris tout cela et plus encore, je donne forme à mes regrets, je les regarde en face et les tiens à distance, enfin, ces rêves qui ne sont pas les miens. Je finis par les faire tourner, les voir danser sur ma feuille de papier. » (p. 55)
L’auteur :
Carole Fives vit à Lille et partage son temps entre les arts plastiques et la littérature. Pour Quand nous serons heureux, elle a reçu le prix Technikart du manuscrit 2009, présidé par Alain Mabanckou.
L’histoire :
Il y a les vies que nous aimerions vivre… et celles que nous vivons, faites de compromis, de doutes, de fantasmes : le fils qui fait de la scène pour attirer l’attention de son père, la jeune femme qui comprend que ses opérations de chirurgie plastique n’ont pas réglé ses problèmes, la fan de David Bowie qui perd le sens de la réalité, l’homme qui à force de ratures, de biffures sur son agenda se rend compte que c’est son existence qu’il annule jour après jour, la victime de viol dans le déni qui relate son agression comme s’il s’agissait d’une histoire d’amour, le photographe Rmiste en panne de modèles… (Présentation de l’éditeur)
Ce que j’ai aimé :
- Le bonheur dont il est question dans le titre semble bien loin des protagonistes… Carole Fives nous présente dans ses nouvelles des êtres désenchantés, malmenés par la vie et par les autres, des hommes et des femmes à l’avenir sans espoir. Mais elle peint leur quotidien avec un ton acide et décalé qui évite le naufrage dans un désespoir sans fond, et qui, subtilement amène le lecteur vers une réflexion constructive. La forme courte et expéditive des nouvelles permet aussi de ne pas s’enferrer dans les situations glauques, mais de simplement les effleurer, les suggérer pour mieux les faire chuter en fin de nouvelle.
- « C’est pas parce que la vie est dégoûtante qu’il faut encore en rajouter dans un bouquin, merci. » (p. 155) conseille une amie à l’auteur dans le dernier chapitre, lui enjoignant de plutôt écrire des romans comme Anna Gavalda « plein d’espoir ». Carole Fives est une auteure effectivement bien loin des stratégies commerciales, et qui écrit simplement ce qu’elle ressent, dans un acte de partage sans calcul. Elle choisit délibérément de pointer les travers de la société et de nos semblables plutôt que d’édulcorer comme tant d’auteurs contemporains populaires le monde qui nous entoure… Parce qu’on ne peut pas se cacher les yeux éternellement et que viendra un jour où il faudra peut-être revoir notre rapport aux autres…
Ce que j’ai moins aimé :
- J’ai lu ces nouvelles en ayant en tête le dynamisme et la gentillesse de Carole rencontrée par hasard un soir de mai. Je n’ai donc pas ressenti le côté plombant des nouvelles, mais je reconnais que leur cynisme pourrait en désarmer certains…
Premières phrases :
« Certes, les loyers y étaient largement moins élevés que dans le centre-ville. Mais ce n’est pas la seule raison qui vous a amenée à Ploucville. Le goût des quartiers populaires aussi, leur métissage, leurs possibilités d’échanges, de rencontres… »
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D’autres avis :
Clara, Sophie
Quand nous serons heureux, Carole FIVES, Editions le Passage, 2010, 157 p., 14 euros