Je les regardais, ces Goonies, cette bande de potes d’une douzaine d’années partant pour une chasse au trésor dans leur petite ville, une chasse au magot d’un vieux pirate légendaire qui les fait se mesurer à une famille de criminels, une chasse au trésor leur faisant goûter au danger pour tenter de sauver leur ville de la destruction, pour tenter de maintenir l’unité de leur bande, et éviter qu’elle ne se trouve éclatée par un déménagement. Ils partent ainsi à travers forêt et maison délabrée, tunnels et grottes, psychopathe doux dingues et monstres pacifiques.
Ces Goonies, il était hors de question que je n’aille pas les redécouvrir sur grand écran, en copie neuve, même s’ils ne s’exposaient que dans une salle parisienne (le Publicis pardi), même s’il n’y avait qu’une séance par jour, même s’il ne restait plus qu’un jour pour le voir. Ces Goonies sur grand écran, c’était un des films que j’attendais le plus cet été, même si j’avais partagé leurs aventures des dizaines de fois, quinze ou vingt ans plus tôt, sur la télé de mon enfance. A l’époque, notre enregistrement n’avait pas tout à fait fonctionné, et sur notre vidéo manquaient les dernières minutes du film. Alors que Mickey et sa bande étaient en train de s’échapper de la grotte s’effondrant, le film se coupait, nous empêchant de voir si les Goonies allaient s’en sortir, s’ils allaient tout de même réussir à sauver la maison des parents de Mickey. Mais cela ne nous empêchait pas de l’adorer, et de le re-regarder quelques semaines plus tard.
Mais au-delà de l’aventure, voir le film sur grand écran, 25 ans plus tard, m’a fait prendre conscience que moi aussi, j’ai eu mes Goonies. Cette bande de potes qui étaient comme les cinq doigts de la main, toujours ensemble, toujours les uns chez les autres. Moi aussi j’ai eu mes Goonies. Sauf que tous les trésors du monde n’auraient pu me garder à eux, et que je les ai perdus sans que j’y puisse rien. Les obstacles n’ont pas été insurmontables. Les années ont passé, et si j’en ai retrouvé quelques uns, cette amitié ne sera plus jamais comme avant. Mais je l’ai revécue à chaque fois que j’ai mis la cassette des Goonies dans le magnétoscope de ma mère, et il y a quelques jours, je l’ai revécue en allant voir le film sur grand écran.
Et c’est effectivement ce que j’ai trouvé dans Super 8. Il a fait renaître en moi l’enfant des années 80 comme l’avait fait Les Goonies quelques jours plus tôt. Encore une fois, il était question d’une bande d’amis dans une petite ville provinciale, ici dans une Amérique de la fin des années 70 encore empreinte d’une atmosphère de Guerre Froide. Cette petite troupe de collégiens tournent un court-métrage un soir, près de la voie ferrée, lorsqu’un train militaire entre en collision avec une voiture et déraille. Quelque chose s’échappe de la carcasse du train. Quelque chose qui va semer la panique en ville, et y amener une colonie de militaires.
Évidemment, on pense au cinéma de Spielberg. Rencontres du 3ème Type, E.T… Évidemment on pense à ces films d’aventures comme Les Goonies, justement. Évidemment, ça pourrait n’être qu’un hommage distant et pas à la hauteur de ses références. Mais JJ Abrams ne se contente pas de connaître ses classiques, il sait se les approprier, et en sortir un film excitant et émouvant, où les personnages ont tout autant leur place que le mystère, le suspense et l’action. Il parvient à ne pas empêtrer son film dans un pathos américain imbuvable comme c’aurait pu être le cas. Entre justesse et sensibilité, mélancolie et amertume, enfants et parents forment un noyau de personnages auquel on s’accroche et s’attache.
J’ai été un Goonie. Peut-être en suis-je encore un. Si j’en étais un à hauteur d’enfant aujourd’hui, je rêverais de Super 8, et m’apprêterais à passer quelques années à le regarder en boucle sur la télé du salon. Avec ou sans la fin. Aujourd’hui je ne suis plus qu’un ex-Goonie, et cela me suffit à regarder Super 8 avec les yeux pétillants. Et à le quitter avec le cœur qui bat.