Troie

Par Ledinobleu

Douze siècles avant notre ère. Après des décennies de guerre, le roi Agamemnon a enfin unifié les royaumes grecs. Mais il doit nombre de ses victoires au guerrier Achille, qu’on dit invincible et dont le tempérament aussi arrogant que rebelle oppose souvent à Agamemnon puisque seule sa gloire personnelle lui importe. De son côté, Ménélas, roi de Sparte et frère d’Agamemnon, a abandonné l’idée de guerroyer contre Troie qu’il ne parvient pas à renverser en dépit d’années de batailles…

Mais alors que Hector, prince de Troie, vient à Sparte honorer la paix, son jeune frère, Paris, a une aventure avec Hélène, l’épouse de Ménélas, qui part avec lui. Fou de rage, le roi de Sparte demande l’aide de son frère pour reprendre sa femme aux troyens. Agamemnon, depuis longtemps désireux d’asservir Troie, accepte. Il a pu convaincre Achille de lui prêter main forte mais celui-ci n’a accepté que parce qu’une prédiction lui a assuré que cette guerre rendrait son nom immortel…

La mémoire historique restant une des plus grandes différences entre les humains et les animaux, elle s’accompagne de différents travers par définition propres à l’Homme. En impliquant que de nombreux gens nous suivront, cette mémoire d’hier et de ses héros nous amène bien légitimement à vouloir briller parmi ceux qui restent encore à venir puisque ce n’est jamais qu’une manière comme une autre de défier la Mort. Pour cette raison en fin de compte assez compréhensible, certains n’hésitent pas à se lancer dans les aventures les plus folles, quitte à risquer leur vie et parfois même celle des autres, ce qui devient déjà plus discutable – la gloire, comme on le sait, est proportionnelle aux risques encourus.

Voilà pourquoi guerriers et soldats deviennent plus facilement des héros que les autres, alors pourtant qu’ils s’adonnent à l’activité la plus destructrice qui soit – de mémoire d’Homme en tous cas. On ne compte plus les récits tant historiques que mythologiques qui font la parfaite démonstration du paradoxe que présente un tel mécanisme, alors même que ces contes sont aussi une manière de perpétuer une telle aberration en faisant l’apologie de l’héroïsme. À moins qu’on ait commencé à chroniquer les guerres pour justement dénoncer leur horreur ainsi que, par extension, et au moins de manière sous-jacente, le besoin de gloire de certains dans laquelle elles plongent une partie de leurs racines.

Achille, ici, finira par comprendre son erreur, mais trop tard, comme il se doit, l’irréparable ayant été commis. Sous bien des aspects, il représente certains des instincts les plus autodestructeurs de l’homme qui, pour une gloire aussi posthume que discutable, poussent à répandre les malheurs et la rancœur dont se nourrissent la plupart des autres calamités. On peut éventuellement mettre ce désir d’immortalité en parallèle avec certains des excès de notre temps où chacun veut son quart d’heure de célébrité à n’importe quel prix, quitte à s’avilir lui-même ou bien – pire – à avilir son prochain, par exemple dans une émission de télé-réalité ou n’importe quelle autre stupidité comparable.

Pour autant, je ne m’aventurerais pas à parier que l’intention du réalisateur se trouvait là. Car Troie se cantonne en fin de compte à une simple distraction en dépit de l’échelle de son grand spectacle, au demeurant fabuleusement bien retranscrit, et en aucun cas ne parvient à ne fut-ce qu’effleurer la dimension mythologique du matériau de départ.

Ce qui n’étonne guère après tout…

Notes :

Les différences entre cette adaptation et le récit mythologique original prennent de telles proportions qu’il semble assez vain de les présenter ici ; le lecteur curieux pourra néanmoins se pencher sur cette partie de l’article Wikipédia déjà donné en lien plus haut, mais il va de soi que lire le poème d’Homère se montrera certainement plus stimulant.

Troie, Wolfgang Petersen, 2004
Warner Bros., 2004
156 minutes, env. 10 €