L’hyperprésident, l’homme qui prend toutes les décisions ? Si Woerth est lourdement soupçonné d’avoir encaissé au
moins 150 000 euros d’argent liquide en toute illégalité de la main de la vieille milliardaire, c’est bien pour financer sa campagne présidentielle : ne peut-il être inquiété pour cela ?
Et si Lagarde s’est rendue
coupable de plusieurs violations manifestes de la légalité pour accorder coûte que coûte le cadeau royal à Bernard Tapie de centaines de millions d’euros aux frais du contribuable, n’est-ce pas
sous son ordre ?
Par conséquent et ricochet, ne devrait-il pas s’en expliquer devant la justice ?
Le 14 mai dernier, nous titrions Lagarde en prison ! (et Sarkozy sitôt levée l’immunité présidentielle), mais nous avions tout faux. Non pas à propos de la culpabilité de la nouvelle patronne du FMI (quelle honte !), celle-ci s’est encore confirmée depuis, une enquête étant désormais ouverte pour des incriminations plus graves que le simple (sic) « abus d’autorité » : « complicité de faux » et « complicité de détournement de biens publics ». « Des chefs passibles de 10 ans de prison et 150 000 euros d’amende », ajoute Libération. Mais sur le sujet de la possible mise en cause du chef de l’Etat. Parce que Nicolas Sarkozy jouit en réalité d’une impunité totale.
C’est Hubert Lesaffre, docteur en droit public, qui l’explique dans Le Monde , abordant le sujet de la révision constitutionnelle du 24 février 2007 relative à la responsabilité du chef de l’Etat : « Au système en vigueur fut substituée une forme de procédure d’impeachment, fondée non plus sur un manquement à la loi pénale du président de la République, mais sur un « manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat ».
Face à pareil manquement, il appartiendrait dorénavant aux membres des deux chambres de décider à la majorité des deux
tiers la réunion de la Haute Cour – et non plus de la Haute Cour de justice – composée ensemble de l’Assemblée nationale et du Sénat, à charge pour elle de voter ou non la destitution – et non
plus la condamnation – du chef de l’Etat. Voilà donc le système tel qu’il devrait fonctionner, et voilà pourtant le système tel qu’il ne peut pas fonctionner depuis 2007.
En effet, le dernier alinéa du nouvel article 68 prévoit que c’est à une loi organique de fixer les conditions de son
application. Juridiquement, cela signifie que, hors cette loi organique, point de responsabilité présidentielle. Or cette loi n’existe toujours pas. Devant cette carence gouvernementale, le
groupe socialiste du Sénat, à l’initiative de François Patriat et de Robert Badinter, avait bien tenté de la pallier en déposant une proposition de loi organique. Mais, face à pareille
précipitation, Michèle Alliot-Marie, alors garde des sceaux, avait estimé qu’il était plus urgent d’attendre, tout en promettant de déposer un projet de loi gouvernemental dans le courant du
deuxième trimestre…
Nous étions alors le 14 janvier 2010 ! Le deuxième trimestre passé, rien n’est venu. Au troisième non plus. Arrivait la fin du quatrième lorsque fut déposé à l’Assemblée nationale un projet de texte, le 22 décembre 2010. Mais voilà. Si le projet existe, il n’a pas, depuis, été inscrit à l’ordre du jour et il n’est pas prévu qu’il le soit, tout au moins avant les élections sénatoriales de septembre, ce qui laisse peu de temps d’ici à la présidentielle d’avril 2012.
C’est ainsi que, première dans toute l’histoire de la République, un président aura pu effectuer tout un mandat à l’abri en droit de toute possible mise en cause de sa responsabilité, et ce quelle que soit la nature de ses actes, publics ou privés, sauf crimes passibles de la Cour pénale internationale ! »
Par Olivier Bonnet pour « Plumes de presse »
Merci à Section du Parti socialiste de l'île de ré
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