Interview de Manuel Valls parue ce jour sur Libération.fr
Quelle est votre réaction au résultat (0,0%) de la croissance au deuxième trimestre?
Malheureusement, les indicateurs économiques confirment le risque majeur d’une récession dans les pays de la zone euro et en
Amérique du nord.
Qu’est-ce qu’un Manuel Valls proposerait pour faire face à la crise?
Nous sommes dans un cadre économique contraint. Ne nous racontons pas d’histoires… Nous pouvons, nous aussi, si nous accédons
au pouvoir, être confrontés à la crise, à la tempête boursière, à l’inquiétude généralisée des marchés et à l’attitude des agences des agences de notations.
Il y a une grande difficulté de coordination des pays du G20. La réponse doit donc être européenne: créer une gouvernance de
la zone euro, passer au fédéralisme économique. Le fonds de stabilité financière doit pouvoir racheter de la dette des Etats et l’UE doit lancer un grand emprunt européen.
Et sur le plan national?
Il faut plus que jamais investir dans l’avenir: la recherche, l’éducation, la formation, l’innovation… Réduire nos dépenses
en décentralisant davantage, en simplifiant les structures administratives – par exemple en supprimant les départements – et en réformant la fiscalité locale. Mais il nous faut aussi trouver de
nouvelles recettes: revenir sur la réforme de l’ISF, sur la baisse de la TVA dans la restauration…
Nous devons retrouver des marges de manœuvre car la faute de Nicolas Sarkozy est d’avoir, par une politique fiscale tournée
vers les plus fortunés, privé l’Etat de plusieurs milliards d’euros de recettes. Je propose également la création d’une «TVA antidélocalisation» – «de protection», «très sociale», appelez la
comme vous le voulez – qui aurait l’avantage de dégager des recettes fiscales tout de suite.
Vous feriez alors porter l’effort sur tout le monde…
Il s’agit de la moduler. Nous pouvons créer de nouveaux taux de TVA et cibler davantage un certain nombre de produits, faire
en sorte que les produits de première nécessité ne soient pas concernés. C’est un des moyens qu’utilisent l’Allemagne et les pays nordiques. Nous savons bien que la note AAA de la France est
fragile. Nous devons poursuivre nos efforts en matière de maîtrise des dépenses et trouver de nouvelles recettes.
TVA sociale, règle d’or… Vos camarades du PS vont encore vous gronder…
La fragilité de la France nous oblige à faire un effort considérable. La dépense publique ne peut pas être le chemin
emprunté. Nous ne pourrons pas dépenser un euro supplémentaire sans mettre un euro de plus en face. En ce qui concerne la règle d’or, j’ai dit que c’était une manœuvre politique de Nicolas
Sarkozy. Moi, je suis responsable. Et j’avertis le président de la République: s’il impose un vote au risque d’une querelle entre majorité et opposition, un tel blocage peut provoquer de nouveau
une tension sur les marchés! Il doit consulter les formations politiques et s’abstenir de débaucher des parlementaires comme lors de la réforme constitutionnelle de 2008. Dans un contexte d’une
telle gravité, il est nécessaire que majorité et opposition se parlent.
Le PS n’est-il pas en train de se faire piéger par la droite? Entre vous et Arnaud Montebourg, les
solutions économiques sont radicalement différentes…
Vu l’ampleur de la situation, je propose, avant l’Université d’été de La Rochelle, une rencontre entre les candidats à la
primaire pour analyser ensemble ce contexte. Mais la primaire, c’est aussi l’occasion d’un débat démocratique! Et c’est une raison de plus pour porter un langage de vérité aux Français. 300.000
nouveaux emplois jeunes ne sont pas possibles. On ne pourra pas revenir non plus sur la retraite à 60 ans. Il nous faut forcément réformer les impôts et dire qu’ils vont augmenter.
Les Français ne peuvent le comprendre que si ces mesures sont justes : une augmentation ciblée de la TVA, une fusion de la
CSG avec l’impôt sur le revenu, une réforme de la fiscalité locale, taxer la rente et l’argent qui dort. Dire que les impôts ne vont pas augmenter, c’est mentir aux Français. Quant à la droite,
il faut la mettre devant ses contradictions. Si nous sommes dans cette situation, c’est à cause de sa politique aussi.
Propos recueillis par Lilian Alemagna
Libération.fr