La nouvelle nous vient d’Angleterre : le gène KLF14, ou Kruppel-like factor 14, qui faisait déjà figure de suspect auprès des laboratoires, pourrait finalement s’avérer une cible de traitement privilégiée.
Car, si les scientifiques ont désormais la certitude du rôle clé du tissu adipeux dans l'apparition des maladies concomitantes à l’obésité, les mécanismes impliqués restent bel et bien à élucider.
Est-il soliste ?
Or, menée par des chercheurs du King's College de Londres et de l'Université d'Oxford, une étude récente sous la direction de Tim Spector, a pu apporter sur cette zone d’ombre un sérieux coup de projecteur, en déterminant que KLF14 agirait comme un régulateur global de gènes de cellules graisseuses impliqués dans de nombreux troubles métaboliques, tels que le diabète type 2 et l’hypercholestérolémie…
En l’occurrence, les chercheurs anglais ont procédé sous forme d’une étude d’association sur le génome entier, analysant méthodiquement depuis 2007 quelques 20 000 gènes présents dans les cellules adipeuses de 800 jumelles du Royaume-Uni, et confirmé ensuite les résultats sur un panel de 600 sujets islandais.
Chef d’orchestre ?
La protéine pour laquelle code KLF14 appartient à la grande famille des facteurs de transcription de type Kruppel.
Du fait que les facteurs de transcription sont des protéines qui agissent au niveau de l’ADN sur l’expression de certains gènes, il était plutôt normal de constater une action régulatrice de KLF14 sur plusieurs d'entre eux. Mais là où les chercheurs ont fait un pas décisif, c’est en observant son effet particulièrement important sur l’expression de nombreuses protéines retrouvées dans les tissus graisseux…
Les chercheurs ont ainsi mis en évidence qu'une variation génétique (SNP) rs4731702, qui se trouve à proximité du gène KLF14, influence l'activité de ce gène, et est également associée à l'activité d'une série de gènes du tissu adipeux. Ces gènes se trouvent loin du gène KLF14 mais sont “trans-régulés” par KLF14.
En se focalisant sur 10 gènes dont les niveaux d'activité sont liés à rs4731702, ils ont découvert en effet que 7 d’entre eux montraient une association avec rs4731702 : 6 des gènes sont associés à l'IMC et au taux de cholestérol, 5 le sont à des niveaux de lipides et d'insuline dans le sang, 4 à la façon dont l'insuline régule les niveaux de sucre dans le sang, et 2 à des niveaux de glucose sanguin.
Cet ensemble de paramètres reliés par un même facteur atteste bien, d’une part, l’interconnexion des voies métaboliques, et d’autre part, l’action des graisses sous-cutanées sur le foie et les muscles.
Mars ou Vénus ?
Pour compliquer encore les choses, KLF14 est soumis au phénomène génétique de « l’empreinte parentale ». Ce qui se traduit par l’expression différentielle de ses deux allèles. Mais chez lui, bizarrement, on a repéré une particularité ! Dans son cas, et celui des gènes voisins, tous portés par le chromosome 7, l’allèle originaire du père n’est peu ou pas exprimé, comparativement à l’allèle maternel, par conséquent seule la version maternelle de la protéine s’exprime.
Réponse ?
Intéressantes perspectives pour la recherche !
En tout état de cause, si avec KLF14 on rêvait d’un « gène de l’obésité », les choses ne sont pas si simples. En revanche : « Pour la première fois, il est clairement démontré qu'un petit changement dans l'expression d'un gène régulateur peut engendrer une cascade d'effets métaboliques dans l'expression d'autres gènes », conclut M. Spector.
Le « gène qui fait grossir » n’est donc pas un mythe, mais plutôt l’histoire d’une partition complexe à détricoter.
Une cible globale en tout cas, montrant bien l’interconnexion des voies métaboliques, et pouvant un jour, on ignore encore comment, permettre de traiter ses « petites grandes » répercussions sur les maladies dites « non transmissibles ».
Vivement le même type d’étude sur le mode d’activité de KLF14 chez les personnes atteintes d’obésité !
Source: Nature Genetics,15.5.2011