Tous deux adaptés d’une série de romans pour ados, True Blood et The Vampire Diaries tentent tant bien que mal de rafraîchir un peu l’imagerie du mythe du vampire.
Effet Twilight, nouvelle mode qui consiste à métaphoriser le passage adolescent par le genre fantastique, nostalgie du bon vieux temps (la gloire qu’a connu la série TV Buffy notamment) : autant d’hypothèses pour expliquer ce regain ado pour les créatures aux dents longues.
Les vampires 2011, dans tous les cas, ne sont plus ce qu’ils étaient. Oubliez Dracula, Lestat, les ténébreux romans d’Anne Rice et les paysages embrumés de la Transylvanie, le vampire nouveau est un paria torturé, forcément canon, forcément attiré par la jolie jeune fille du coin, et … forcément inoffensif. Edward Cullen bonjour.
Quant aux héroïnes de ces nouveaux soaps vampiriques US, elles arborent toujours les mêmes points communs : toutes orphelines, toutes à l’écart des clichés de la jeune fille adolescente (comprendre superficielle et populaire) et toutes enclines à offrir et leur cœur et leur corps au gentil monstre de passage.
Sookie Stackhouse de True Blood et Elena Gilbert de The Vampire Diaries sont les clones de la célèbre Bella: elles habitent dans un trou perdu des Etats-Unis, plaisent sans le savoir, et transcendent le deuil dans l’étreinte avec la (le ?) mort. A travers elles, toute l’Amérique d’aujourd’hui, tout l’héritage de son passé violent, sur sa jeunesse.
Portrait d’une époque
True Blood, en ce sens, est un must du genre : les vampires y sont les étrangers, craints, une communauté pointée du doigt, un tout nouveau genre d’opprimés. Comme dans X-Men, le fantastique se fait plaidoyer pro-différence: derrière la lutte des créatures pour se faire accepter, il y a surtout celle des minorités de la société contemporaine. Pas hasard si True Blood a été élu série la plus gay friendly, et que son générique (quel générique !) passe en revue le passé ségrégationniste des Etats-Unis, avec des allusions au Klu Klux Klan. Le vampire aujourd’hui veut se défaire de son statut de freak, et milite pour l’égalité des droits.
Le petit monde aseptisé du lycée dans The Vampire Diaries, la bande de bouseux des Bayous dans True Blood, se retrouvent alors secoué par l’arrivée de l’alien, avec la peur qu’elle engendre, et conséquemment la violence qu’elle entraîne. Quand l’horreur revêt un costume allégorique, c’est l’occasion pour les auteurs (Alan Ball de Six feet Under pour TB, Kevin Williamson et Julie Plec pour TVD) de décortiquer quelque peu les thématiques socio-politiques de l’Amérique, de zapper des parents qui n’ont plus aucune influence sur leurs ados, de les extraire d’un contexte banal (la scolarité) pour mieux évoquer les troubles de l’âge ingrat.
Pourquoi l’héroïne, dans la fiction horrifique, s’entiche toujours du bellâtre le plus dangereux du coin?
De Buffy à Angel, d’Elena à Stefan, de Sookie à Bill, de Bella à Edward: l’histoire d’amour se fait toujours chastement impossible, empreinte d’un puritanisme affolant et candide.
Coucher avec le monstre, ce n’est pas seulement perdre sa virginité: c’est basculer dans un univers plus sombre, flirter avec la mort, risquer d’y perdre le contrôle. Devenir adulte, finalement.
Une conception de l’acte sexuel hybride, tiraillé entre deux ports : la sauvagerie de la perte, et, le désir latent du romantisme d’antan. Car, en quelques années, une violence incroyable s’est infiltrée dans le quotidien de ces jeunes (banalisation de la pornographie, érosion des valeurs), dynamitant toutes leurs envies fleurs bleues : c’est le combat permanent que symbolisent la brutalité de True Blood (omniprésence de scènes de sexe décomplexées, érotisation du vampirisme sanglant) et le côté cucul la praline de The Vampire Diaries (la rencontre nunuche des deux protagonistes dans le cimetière).
L’ado d’aujourd’hui est écartelé, balloté d’une réalité à une autre : ce sont l’innocence de l’enfance et l’agressivité de l’âge adulte qui se bastonnent à l’écran, tapies sous des symbolismes modernes et osés. Bienvenue au 21ème siècle.