J’ai pris beaucoup de plaisir à lire ce livre qui se propose de nous faire découvrir Venise au temps de Vivaldi (1678/1741), en suivant de très près la vie et l’activité musicale de celui qu’on appelait alors «Le prêtre roux » et qui se rendit célèbre en écrivant des concertos pour les jeunes filles des Hospices tout en se montrant fils respectueux d’un père barbier et violoniste, prêtre dévot mais déserteur de messe pour cause d’asthme ou par commodités, ce qui lui valut bien des soucis, violoniste virtuose, compositeur recherché et homme d’affaires rusé et avisé.
La ville, bien qu’en déclin politique et économique, vit cependant dans un éclat perpétuel de luxe, de plaisirs, de fêtes et de jeux qui attirent déjà comme aujourd’hui, une foule cosmopolite qui s’éparpille du carnaval qui dure six mois «aux réceptions des ambassades, de la basilique Saint-Marc aux grands théâtres d’opéra, des barcarolles sur les canaux à la musique des cloîtres.» Aîné de six enfants, Vivaldi est programmé pour devenir prêtre, débouché logique alors dans les familles nombreuses. A vingt-cinq ans, le voici prêtre et maître de violon à la Pietà, le plus célèbre hospice de Venise où l’on élevait des jeunes filles pauvres ou orphelines qui apprenaient avant tout à chanter divinement dans les chœurs des églises mais à qui il était ensuite interdit d’exercer leur art, une fois mariées ou au couvent. Toute infraction à cette règle injuste qui n’était réservée qu’aux filles entraînait la perte de la fameuse dot qui leur était accordée. A la fois orphelinats et conservatoires, quatre Hospices ou « Ospedali », participèrent à la renommée de la ville mais seul celui de la Pietà où exerçait Vivaldi était réservé aux jeunes filles. On venait de toute part à Venise pour écouter ces chants angéliques des « filles du chœur».
Ce fut parmi elles que le jeune peintre Tiepolo qui réalisait des tableaux pour l’église choisit sa femme Cecilia Guardi, remarquée à quinze ans, enlevée et épousée en secret deux ans plus tard.
Autre particularité de la ville : le grand nombre d’églises et de couvents. Un adulte sur vingt est prêtre ou nonne et la musique tient une place de choix dans cette intense activité religieuse. Pas de semaine sans fêtes religieuses mémorables. Pas de fêtes sans musique. Musiciens et Compositeurs, très recherchés rivalisent de nouveauté et de virtuosité. Vivaldi, en tête.
Pour qui aime autant la ville que le musicien,c'est un livre à ne pas manquer
Italianiste et musicologue, Patrick Barbier est professeur à l'Université Catholique de l'Ouest (Angers) Il a publié, entre autres, une Histoire des castrats, une biographie de Farinelli et la «Vie quotidienne à l’Opéra au temps de Rossini et de Balzac»
La Venise de Vivaldi (Musiques et fêtes baroques) Patrick Barbier ( Grasset, 2002, 291 p)
Quant au film sur le même thème associant Venise et Vivaldi, voir sa critique féroce ICI
Tableaux: Concert dans un Hospice vénitien, Le Bucentaure de Guardi (Munich et Louvre), Arrivée d'un ambassadeur français, Tiepolo (Musée de l'Ermitage)
Je participe avec ce billet au challenge d'Anne