Au risque de voir son nom sali et traîné dans la boue sur plusieurs générations, il est parfois salutaire, au nom du rayonnement de l’esprit lorrain (qui n’en finit plus d’illuminer la culture française depuis le chant grégorien de la Scola Metensis jusqu’à l’inénarrable Cindy Sanders), de s’interroger sur certaines traditions, dont on voit mal en quoi elles redorent le blason et subliment le folklore de notre belle Région. Quand bien même ces coutumes sont parfaitement inoffensives, et ne revêtent pas le caractère sadique et sanguinaire de la corrida ou du combat de coqs, la compréhension se heurte à l’écueil de l’immuabilité de ces douteuses pratiques.
Ainsi, au rayon des curiosités locales, le touriste souhaitant épancher sa soif de patrimoine messin trouvera deux articles qui risquent de lui donner une sévère gueule de bois pour peu qu’il soit chatouilleux sur les chapitres de la laïcité et du féminisme. Le premier de ces tord-boyaux se nomme le Concordat de 1801, et laisse une large place aux cultes chrétiens et judaïque dans l’espace public, jusqu’à autoriser l’enseignement religieux à l’école. Sans vouloir entrer dans un débat théologique ou dans une polémique sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat, demandez au Mosellan moyen s’il envisage ne serait-ce que subrepticement l’éventualité du soupçon de la possibilité de l’abrogation de ce texte, et vous vous heurterez à un mur bien plus consistant que les puissants remparts qui longent la Seille (rien que l’évocation de ce sujet a fait défaillir soeur Christine Boutin elle-même). Faisons fi de l’analogie erronée avec notre généreux régime de Sécurité Sociale, qui est lui d’origine allemande et mériterait d’être élargi à nos infortunés compatriotes, et penchons-nous sur une autre persistance des temps obscurs, où la moitié la plus femelle de notre espèce n’était considérée que pour ses atours et ses talents ménagers.
Le mois d’août messin est marqué par un scrutin dont l’inutilité le dispute à une vulgarité indigne de notre noble cité: l’élection de la Reine de la Mirabelle. Cette votation, dont la première lauréate fut élue en 1949, confronte une poignée d’innocentes damoiselles qui rêvent d’être la plus belle du patelin, dans l’illusoire espoir qu’un Prince Charmant sur son blanc destrier , viendra les enlever de leur morne ennui quotidien, alors que la lecture de Simone de Beauvoir les auraient utilement occupées, et leur auraient évité l’humiliation d’être jaugées par un échantillon de journaleux locaux rétrogrades parmi lesquels, Dieu en soit loué (puisque nous ne sommes pas en terre républicaine et laïque), aucun rédacteur de notre Graoully n’a trempé les écailles. Après vérification sur le site dédié, aucun espace de contestation n’a été prévu pour protester contre cette élection, et j’ai bon espoir que l’OTAN où l’ONU viendront mettre un terme à cette exploitation indigne des rêves de petites filles.
Nous invitons toutefois le voyageur à ne pas se laisser abuser par ces archaïsmes, et à venir se laisser griser par l’eau-de-vie de mirabelle qui est au digestif ce que le Mont Saint Quentin est au pays messin: un sommet.