Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais à chaque fois qu'un nouvel auteur perce dans le genre "film à suspense", il est aussitôt catalogué "nouveau Hitchcock" (et de même, si c'est un brillant technicien qui soigne tous ses cadres, le nom de "Kubrick" sera aussitôt évoqué). Comme si, à part ce bon Alfred, personne d'autre n'existait. Pourtant, niveau suspense, d'autres assurent. Comme le petit Roman, dont on va essayer ensemble de décortiquer la recette grâce à 4 films (Rosemary's Baby, Répulsion, The Ghost Writer et la Jeune fille et la mort). Parce que, avouez quand même que des personnages traumatisés, des lieux maudits et de lourds secrets, c'est beaucoup plus cool qu'un Cary Grant piétinant toute une récolte de maïs (le petit chenapan !).
Un lieu perdu, à part : oubliez les James Bond, qui vous emmènent du charme tropical d'un pays latin au froid mordant d'un (méchant) pays de l'est. Parce que déjà, Polanski aime tourner à l'intérieur. Et le plus souvent autour d'un lieu unique. Au choix : ou il s'agit d'un appartement perdu dans l'anonymat d'une ville (Répulsion, Rosemary's), ou alors on a affaire à un lieu isolé, de préférence situé en bord de mer (Ghost, La jeune fille). C'est vrai que la mer, c'est pratique : ça isole, ça reflète l'état d'esprit calme ou agité d'un personnage...et c'est un sacré bon plan pour y balancer des cadavres un poil gênants.
Quelques personnages : pas la peine de se casser la tête à inventer mille et un personnages plus fantastiques que les autres. Chez Polanski, on peut généralement les compter sur les doigts d'une seule main. A noter aussi : l'habitude qu'ont les personnages de se liguer entre eux contre un seul individu (le couple contre le tortionnaire, la soeur et le mari contre Deneuve...). Oui, très sympa, en effet.
Un lourd passé : alors là, on ne peut que se demander si ça ne serait pas lié au passé intime de Polanski, qui a subi le nazisme et qui a été accusé de viol. En tout cas, ses personnages ont le même passé rose bonbon que lui : violés, torturés... Et c'est sans compter les énormes secrets qu'ils se trimballent et les affaires louches qu'ils trainent. Et tout ça bien sûr ressurgira ou explosera en plein jour (parce que sinon, y'aurait pas de films, hein).
Un doute omniprésent, entre réalité et fantastique : s'il y a bien un truc que Polanski maitrise comme personne, c'est la capacité à nous faire douter. Innocent ou coupable ? Saine d'esprit ou complètement folle ? Le tout oscillant souvent entre réalité et fantastique. Trop fort ce Roman.
Vous avez votre baraque paumée près de la plage ? 3 personnages plus tordus les uns que les autres et qui doutent de chacun ? Et bah, voilà, félicitations, vous êtes le nouveau Polanski ! Bien que l'original, le vrai, contrairement à Alfred et Stanley, soit toujours derrière les caméras. D'ailleurs, il est en train de nous concocter un nouveau film pour le 7 décembre : "Carnage", avec entre autres Jodie Foster et Christoph Waltz, dont l'affiche (très colorée) vient de sortir aujourd'hui. Le pitch : 2 couples de parents ("quelques personnages") se retrouvent dans un de leur appart ("un lieu perdu, à part"), voulant discuter calmement d'une bagarre qui a opposé leurs enfants ("doute omniprésent" avec recherche du vrai coupable ?). Maintenant, reste à savoir si les personnages ont eu un passé marquant...