Watch the Throne est l’album rap événement de ce second semestre 2011, c’est un fait. Tout le monde en parle, en bien, en moins bien, en élogieux, en critique… Trop de critiques en fait pour parler d’un chef d’œuvre de la part des deux rappeurs le plus influents du rap game.
Aux States, il y a une expression courante qui dit « the sky’s the limit ». Eux deux sont au-dessus des nuages, ils ont la tête dans les étoiles comme le chante la reine Beyoncé sur le spectaculaire « Lift Off ». D’un côté Kanye West armé de son égo surdimensionné et de l’autre, Jay-Z, le rappeur multimillionnaire qui déjà a tout prouvé. Et qui se repose sur ses lauriers la moitié du temps sur Watch the Throne…
En effet, les performances de Jigga sont en demi-teinte même si en mode « all black everything », il a toujours son sens royal de la formule pour répondre au concept de l’album. Il n’a plus son énergie d’antan pour contenir un Kanye qui aime se mettre en avant. Ce qui n’empêche pas des idées d’aboutir. Sur « New Day », ils parlent de comment ils imaginent leurs enfants, le très beau « Made in America » raconte leur réussite et leur rêve américain… Jay-Z est le plus à son aise niveau flow sur des de la trempe de « Murder to Excellence » et « Who Gon’ Stop Me » qui évoque les prods de Timbaland sur Volume 3.
Aucun rappeur n’apparaît en featuring sur WTT, c’est une affaire strictement interne entre les deux stars de Roc-A-Fella Records. Mais les chanteurs n Dans l’assistance : le membre des Odd Future Frank Ocean, B, Charlie Wilson, Mr Hudson, Bon Iver, Kid CuDi et même Seal ! Kanye aussi use de ses notions de chants à l’autotune, au point d’imiter la façon dont Diddy chante sur Last Train to Paris sur la première piste « No Church in the Wild ». Paris notre capitale qui est devenu le lieu de villégiature favori de nos rappeurs souverains (« Niggas in Paris »). Mais c’est en Angleterre que la pluplart des chansons ont été enregistrées, ainsi que dans des chambres d’hotel de luxe un peu partout dans le monde.
Watch the Throne souffre également d’un manque de cohésion musicalement parlant. Il y a d’abord ces instrumentaux tournant principalement autour d’un sample. Le single « Otis » en est le parfait exemple, aucun artifice n’a été additionné sur cet échantillon extrait sur du Otis Redding millésimé. Ou alors « The Joy » de Pete Rock, reposant sur un long sample très connu de « The Makings of You » de Curtis Mayfield, auxquels Mike Dean a rajouté quelques aromates. Pour l’anecdote, ce beat date de 97 d’après les dires de Pete Rock mais il suffit par la beauté du classique original dont il en a puisé le nectar. Seul RZA tire son épingle en transformant légèrement le « Feeling Good » de Nina Simone pour le refrain de « New Day ». Quant « Why I Love You », les français de Cassius vont se sentir plagiés… À l’opposé se trouvent des instrus sudistes ultra-sophistiqués tel le « H.A.M. » réalisé par Lex Luger, auquel on a greffé un passage de chants grégoriens, et « Illest Motherfuckers Alive » en bonus track.
Certains des titres que composent WTT ont été conçus en même temps que Kanye travaillait sur My Beautiful Dark Twisted Fantasy. Ils se reconnaissent par ces arrangements incroyables et hyper travaillés, à savoir « New Day », « That’s My Bitch » produit par Q-Tip et l’excellent mais trop court « Gotta Have It », où les Neptunes font une exception à leur style en utilisant un sample oriental enivrant. Swizz Beatz quant à lui livre sur « Welcome to the Jungle » un instrumental répétitif et insipide (faut croire que c’est devenu sa marque de fabrique). Sak Pase est la véritable révélation de cet album avec à son actif « Made in America » et le terrible « Who Gon Stop Me ».
Watch the Throne n’est rien d’autre que la quête du Graal d’un roi et son favori. Jay-Z et Kanye sont allés tellement loin qu’on a des difficultés à les suivre. On ne sait pas trop où ils vont, et eux comme le Roi Arthur et Galaad, ils ne savent pas trop quel chemin choisir pour atteindre un point dont ils ignorent où il se trouve. On retiendra de la relation de ces deux hommes ce dialogue par rimes interposées :
- « Wasn’t I a good King ?
- Maybe too much of a good thing, huh.
- Didn’t I spoil you ? Me or the money what’re you loyal to ?
- I gave you my loyalty.
- Made you royalty and royalties.
- Took care of these niggaz lawyer fees.
- And this is how niggas rewardin me.
Cet album d’envergure – tout reste relatif, l’opus est moins grandiose et ostentatoire qu’il n’y paraît – nous montre surtout une chose : Jay-Z, les projets expérimentaux ou collaboratifs (les Best of Both Worlds avec R Kelly, Collision Course avec Linkin Park), c’est pas du tout son truc, ça ne le met définitivement pas en valeur. Pour un album se voulant très bourgeois, voire de classe aristocratique, c’est un comble. En ce qui concerne les signes Illuminati, je n’ai pas eu le temps de passer l’album à l’envers des fois que des phrases bizarroïdes qui y fassent allusions ressortent comme par magie.
Ce qui a très bien fonctionné dans l’histoire, et personne ne dira le contraire, c’est le plan marketing autour de Watch the Throne qui a empêché toute fuite sur le Net avant que le disque soit mis en vente sur iTunes.
On repeat : « That’s My Bitch », « Gotta Have It », « New Day », « Who Gon’t Stop Me », « The Joy ».
La note : 6,5/10