D'un coup d'éventail fut fêlé:Le coup dut l'effleurer à peine:Aucun bruit ne l'a révélé.
Mais la légère meurtrissure,
Mordant le cristal chaque jour,D'une marche invisible et sûreEn a fait lentement le tour.Son eau fraîche a fui goutte à goutte,Le suc des fleurs s'est épuisé;Personne encore ne s'en doute;N'y touchez pas, il est brisé.Souvent aussi la main qu'on aime;Effleurant le cœur le meurtrit;Puis le cœur se fend de lui-même,La fleur de son amour périt.Toujours intact aux yeux du monde,Il sent croître et pleurer tout basSa blessure fine et profonde;Il est brisé, n'y touchez pas. Le vase brisé de Sully-Prudhomme (1839-1907) Tableau de Edouard Manet (1832/1883)