La déception : une leçon d'acceptation
Trois longues journées de pluie... On a beau se dire que c'est bon pour la terre et l'agriculture, on commence tout de même à tourner en rond. Adieu balades, adieu grillades ! Et ces amis, qu'on avait invités en espérant leur faire passer de bons moments : « On est désolés, c'est rare qu'il pleuve autant. Pas trop déçus ?» On pense qu'ils vont répondre : «Mais non, pas du tout ! » Et voilà qu'ils rétorquent : « Si, on est un peu déçus ! » Puis, en voyant notre tête, ils ajoutent en riant : « Mais ce n'est pas grave, la vie fait ce qu'elle peut ! »
La déception, c'est quand les choses se passent moins bien que prévu, quand nos espoirs tombent à l'eau. Plus nos attentes sont élevées, plus la déception est douloureuse. Des attentes, en vacances, on en a beaucoup : détente, soleil, bons moments, beaux endroits. Mais le ciel n'est pas toujours bleu, parfois nos proches nous agacent, sans parler des autres vacanciers.
C'est une double peine : nous sommes déçus par la situation (marre de la pluie !) et par nous-mêmes (râler est inutile, mais on râle). On le sait, pourtant, qu'il faut accepter la vie comme elle est ! Depuis Marc Aurèle, l'empereur philosophe : « Ce concombre est amer ? Jette-le. Il y a des ronces dans le chemin ? Évite-les. Cela suffit. N'ajoute pas : "Pourquoi cela existe-t-il dans le monde ?" » Mais que c'est dur de ne pas être déçu ! Il faudrait renoncer à espérer ! A peu près impossible, comme nous le rappelle un autre philosophe, contemporain celui-là, André Comte-Sponville : «La déception fait partie de notre humanité. Il faut donc l'accepter aussi : cesse d'espérer n'être jamais déçu. »
La déception nous pousse à réfléchir à l'acceptation, cet élixir pour vivre dans le réel et non dans une succession d'illusions et de désillusions. Accepter, ce n'est pas se résigner, ni se soumettre ; ce n'est pas renoncer à espérer ou à agir. C'est prendre acte de ce qui est là : accueillir le monde tel qu'il est, au lieu d'exiger qu'il soit tel qu'il devrait être. Accepter aussi la déception : reconnaître tranquillement qu'on espérait autre chose. Se dire simplement : « Oui, c'est comme ça. » Lâcher le regret (« Si seulement c'était différent... ») puis se tourner vers la réalité, pour voir ce qu'il faut faire : la déception est soluble dans l'action.
Bon, on va sortir se balader quand même, sous la pluie, bien équipés. Balader la tristesse et la déception, leur faire prendre l'air. On ne va pas chercher à «positiver ». Juste essayer d'accrocher des petits bouts de joie à nos humeurs tristes : renifler l'odeur de la terre mouillée par la pluie d'été, écouter le bruit des gouttes, regarder la joie des plantes. La vie fait ce qu'elle peut. Nous aussi, de notre mieux, et on est presque contents, finalement, de la petite leçon d'humilité et de flexibilité que vient de nous offrir la déception.
Source : "La Vie"