Suite à un accident survenu sur la planète déserte Sethi IV, Moineau se retrouve à l'infirmerie, amnésique. A bord de l'Astron, immense vaisseau générationnel commandé par l'étrange Capitaine Kusaka, Moineau va, petit à petit, apprendre à découvrir la mission, les membres de l'équipage, les amitiés et les inimitiés, et bien d'autres choses encore. Il va bientôt se rendre compte qu'il lui faudra surtout choisir un camp...
Voici ma seconde participation au challenge organisé par Lhisbei (la cinquième chronique de cette rubrique).
Enrico Fermi était un physicien italien qui, outre un prix nobel de physique en 1938, a connu une gloire posthume en exposant de façon informelle une "théorie" à propos des extraterrestres : si ils existent, où sont-ils donc ? "Théorie" qui sera popularisée bien des années après sous la dénomination de "Paradoxe de Fermi". Pour lui bien sûr, la vie intelligente extraterrestre n'existe pas car on aurait dû en trouver des traces, sous la forme de vaisseaux, de sondes, ou ne serait-ce que de simples transmissions radios.Sans jamais le citer, Frank M. Robinson nous expose de façon fort brillante le "Paradoxe de Fermi" comme un des thèmes principaux de son roman. Depuis près de cent générations (soit environ 2000 ans), l'Astron parcoure l'univers à la recherche de la moindre trace de vie... jusqu'ici sans succès. Il en fait même l'un des noeuds de son intrigue. Malheureusement, il est très malaisé de parler de ce roman sans déflorer les tenants et les aboutissants de l'histoire. En effet, le lecteur suit Moineau qui, amnésique une bonne partie du roman, va de découverte en découverte. Certes l'amnésie du héros n'est pas d'une originalité folle (Roger Zelazny use de la même idée dans le premier roman de son fameux cycle d'Ambre), mais comme c'est efficace, permettant au lecteur d'entrer très facilement dans la psychologie du personnage, on excusera très volontiers cette "facilité" à l'auteur. Surtout que chaque élément est amené de façon très subtile, le long d'un fil narratif si ténu qu'on se demande parfois comment l'auteur réussit à le mener jusqu'au bout. Car il y parvient sans soucis, sans temps mort ni longueur.
Car s'il est indéniable que ce roman relève du Space Opera, l'auteur a l'intelligence de ne pas se cantonner à ce sous-genre de la science-fiction, et évite ainsi les poncifs d'un énième roman d'aventures spatiales, aussi inutile que vain. Non, là, malgré l'immensité de l'espace qui entoure l'Astron (ou peut-être à cause d'elle), Robinson nous sert un magnifique huis-clos. Que ce soit dans l'espace plus ou moins confiné du vaisseau, ou lors de l'exploration des planètes (missions durant lesquelles les protagonistes sont engoncés dans leur combinaison), le lecteur ne ressent qu'une désagréable sensation d'étouffement. Même lors des S.E.V. (Sorties Extra-Véhiculaires), le lecteur se sent opressé. On pourrait imaginer le narrateur ressentant la plénitude de l'espace infini. Bien au contraire, Robinson, par le biais de Moineau, décrit une sensation proche du mal des profondeurs des plongeurs de hauts-fonds.
Bref, un huis-clos doublé d'une sorte d'enquête policière (le narrateur n'a de cesse de chercher à comprendre ce qui lui est arrivé, à qui il peut faire confiance, à qui il peut se fier, etc.) font de ce livre un formidable roman de Space Opera, aussi subtil qu'intelligent. Alors même si certains ont émis des réserves quant à la chute finale (lire notamment la chronique de Monsieur Lhisbei, et les commentaires qui lui sont liés), je n'ai pour ma part trouvé aucune faiblesse à ce très bon roman.
Space Opera :
Planet Opera :
note :
A.C. de Haenne