Asefi vient me faire suivre ce discours 'fictif' d'un sénateur lors du vote de la semaine dernière. Comme plusieurs, elle est plutôt fatiguée de ces parlementaires qui tourneraient en rond en se remplissant les poches. Le plus choquant pour elle, c'est que même si le discours semble beau, il pue.
« Mes chers collègues sénateurs … En fait, il faudrait davantage débuter cet important exposé en saluant mes ‘TRÈS CHERS’ collègues sénateurs. Vous comprenez tous que cette marque supplémentaire d’affection n’est pas superflue dans le cadre de cette ultime rencontre de notre digne assemblée. J’aurais également pu ouvrir mon exposé en soulignant à grands traits le caractère honorable ou la dignité de mes illustres collègues sénateurs, mais ces qualificatifs réfèrent davantage à l’importance nationale de notre rôle, à sa dimension formelle, constitutionnelle. Non, je souhaite plutôt inscrire cet exposé au dessus (pour ne pas dire au delà !) des tribulations de notre importante fonction, pas qu’elles soient artificielles, bien au contraire, mais que le vote d’aujourd’hui appelle à une autre dimension, si possible, encore plus noble de notre fonction. Je fais donc appel aujourd’hui à la dimension humaine de ma stature politique, de votre stature politique, de la stature politique de cette assemblée issue du vote de la population haïtienne que tous ici chérissons tant. Consciemment, je veux donc enraciner cet exposé très profondément dans mon attachement, mon affection envers notre nation, notre pays. Mon affection envers notre histoire commune, celle qui fait de nous une grande nation, cette nation qui, comme un enfant prodige, a ouvert les portes des lumières au monde entier, a pour la première fois dans l’histoire riche des nations, inscrit le concept du respect des droits humains dans son histoire. Le vote d’aujourd’hui est effectivement plus important pour notre nation que le prescrit constitutionnel qui le détermine. Cette journée appelle effectivement en moi – et en vous j’en ai la plus profonde certitude – un très fort sentiment national. Je me rappelle ces Dessaline, ces Pétion, ces Louverture, ces Christophe dont le sang coule toujours dans mes veines, dans vos veines et celles de tous nos frères. Ce rappel fait surgir en moi une telle fierté que s’embuent mes yeux, se noue ma gorge, s’amenuise ma voix. Mais dans ce contexte hautement émotionnel, notre responsabilité essentielle, celle de laquelle nos compatriotes nous ont affublés, est d’inscrire notre analyse et notre réflexion dans les besoins objectifs de notre nation. Ces besoins objectifs, malheureusement teintés par l’urgence, sont les seuls guides de ma pensée, les seuls guides du choix que je m’apprête à faire dans cette assemblée. Je vous invite donc à mettre ces intérêts objectifs, que vous pouvez tous et chacun définir dans votre propre subjectivité, au cœur de votre analyse et de voter pour le seul choix possible afin que notre peuple puisse dès demain reprendre sa place dans le concert des nations. La seule option qui nous redonnera enfin après 200 ans d’égarement, notre place de premier violon. Je sais avoir été clair et précis dans les arguments qui m’incitent à prendre cette position et suis également d’avis que chaque sénateurs ici dans cette salle, dans son âme et conscience, ne peut aboutir à une décision différente de celle à laquelle j’arrive. Je sais donc que comme moi, vous allez appuyer le choix du bon sens, le seul qui privilégie les intérêts supérieurs du pays. Vous avez toute ma confiance, Viv Ayiti !»